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Par Eric Ruiz
Dans notre chartre républicaine française, nous avons cette fameuse devise qu’est l’égalité. Cette sorte de veau d’or placée entre la liberté et la fraternité.
Et tout est fait dans notre société pour mettre en avant cette valeur et ce principe d’égalité. L’égalité homme-femme. L’égalité des genres, l’égalité des droits envers tous. Que chacun soit traité comme son autre sans prise de parti sans discrimination pour ses idées, son niveau social, sa religion, son origine ou sa couleur de peau.
Très bien, tout cela ce sont de belles
intentions louables et justes.
Mais qu’en est-il dans la pratique ?
Les choses ne se jugent pas sur les intentions, ou les buts que l’on se donne dans la vie, mais sur les actions que l’on s’est données pour les atteindre. Les moyens humains sont biens supérieurs aux buts.
Je peux militer pour les droits de l’homme et
dans la réalité les bafoués par mes actes.
On l’a vu récemment avec les philosophes des
Lumières qui agissaient comme des malfaiteurs ignobles (ce que révèlent leurs
correspondances), alors qu’ils vantaient les vertus républicaines dans leurs
écrits.
De même on peut avoir des buts louables en voulant par exemple l’égalité entre toutes les femmes, afin que chacune puisse avoir un enfant. Mais peut-on choisir tous les moyens pour atteindre ce but : quitte à développer un nouveau marché à partir du transhumanisme, par exemple en cultivant des embryons humains, en utilisant des utérus artificiels, et à terme que les femmes ne portent plus d’enfants, qu’elles n’aient plus à accoucher ?
La religion est gangrénée elle aussi par cette
contradiction des moyens. D’un côté on fait de beaux discours sur l’égalité
entre les disciples, on émet des dogmes pour aimer l’autre comme soi-même, mais
la réalité est tout autre.
On privilégie une minorité sur les autres.
Comme disait Coluche : « il y en a qui sont plus égaux que
d’autres ».
On s’est donné juste bonne conscience, on s’est donné quelques moyens superficiels, qui nous arrangent, pour atteindre le but qu’on s’est fixé.
Ce que je dis là, c’est ce qu’écrivait l’apôtre
Paul aux Corinthiens.
Le chapitre 8 de la deuxième épitre est
édifiant à ce sujet.
Paul, les remerciaient d’être aussi généreux
envers lui, de faire autant d’actes de bienfaisance à son égard.
En fait, ces frères grecs agissaient avec le
principe d’égalité envers Paul, le considérant comme leur semblable, leur égal.
Mais, Paul : c’est l’arbre qui cache la
forêt. Leur générosité n’allait pas à tous et surtout envers ceux de leur
communauté qui en avaient le plus besoin.
Ils étaient généreux avec ceux qu’ils
estimaient méritant. Ils estimaient que certains méritaient plus que d’autres
de recevoir des aides.
Voilà la représentation qu’ils se faisaient de l’égalité : un principe de mérite.
Paul, est choqué de ce constat, mais il ne le fait pas voir directement; il s’arrange pour user de diplomatie et de tact afin ne pas froisser les Corinthiens et obtenir l’inverse de ce qu’il souhaite, pour que le Saint-Esprit les convainc.
A partir du verset 13, Paul donne la règle
d’égalité :2 Corinthiens 8 :13
« Car il
s'agit, non de vous exposer à la détresse pour soulager les autres, 14mais de suivre une règle d'égalité: dans la circonstance
présente votre superflu pourvoira à leurs besoins, afin que leur superflu
pourvoie pareillement aux vôtres, en sorte qu'il y ait égalité, 15selon qu'il est écrit: Celui qui avait ramassé beaucoup
n'avait rien de trop, et celui qui avait ramassé peu n'en manquait pas.
La règle d’égalité
c’est la suivante :
Celui qui est abondant aide celui qui est dans le manque,
sachant que la roue tourne et que celui qui a donné recevra des autres lui
aussi en temps difficile. Ce n’est pas : aide-toi et le ciel t’aidera ni aide
l’autre et le ciel t’aidera, c’est : aide ton prochain qui le fera à son tour. La foi
mêlée à l’amour règle l’égalité.
Les collectes récupérées au sein de l’assemblée
servent à cette règle d’égalité ;
Cette forme de solidarité, ou celui qui a en plus, aide celui qui n’a pas suffisamment, c’est la grande règle de l’amour et de la foi. Et elle répond au commandement nouveau de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés »
Mais pourquoi Paul ne souhaite pas que cela devienne un commandement du Seigneur ?
Simplement parce qu’il veut que cela vienne du cœur. Tout
ce qui concerne le don pour l’autre doit venir du cœur et non d’une obéissance
à une loi.
Alors, il demande que leurs bonnes intentions
se manifestent avec compassion et non obligation selon la grâce du Seigneur.
2 Corinthiens 8 :8
« Je ne dis pas cela pour donner un
ordre, un commandement, mais pour éprouver la sincérité de votre amour
(agape)…C'est un avis que je donne à ce sujet …vous connaissez la
grâce de notre Seigneur Jésus-Christ: pour vous il s'est fait pauvre alors
qu'il était riche, afin que par sa pauvreté vous soyez enrichis. »
De même dans l’égalité nous ne devons pas confondre les buts avec les moyens.
Or, les dogmes religieux foisonnent de confusion à ce
niveau-là.
Et si on regarde du mauvais côté, le constat est
frappant : Dieu serait égalitaire par le fait qu’il ne repousse aucune personne
venant à lui ; mais par d’autres côté l’inégalité sauterait aux yeux.
Il favoriserait certains et dénigrerait d’autres. Il aurait ses élus qu’il connait avant même qu’ils naissent et il les bénirait plus que les autres.
Regardez les lois données à Moïse.
Déjà dans une même famille, dans une fratrie, c’est le
garçon, et de surcroit l’aîné qui hérite de tout,(le fameux droit d’aînesse)
les autres ont les miettes.
Aucun partage paritaire entre les différents enfants. Ce qui
pousse certains à la manipulation et à la tromperie comme Jacob avec Ésaü qui
se sont corrompus (le premier pour acheter, le deuxième pour vendre ce droit).
Mais là aussi quel est le but de Dieu ?
N’est-il pas de donner à l’aîné parce qu’il a la
responsabilité de sa famille ?
C’est à lui qu’incombe le devoir de conserver les biens et les terres dans la famille. Il a surtout le devoir de pérenniser l’obéissance aux lois divines, les us et coutumes familiaux pour que la transmission familiale se répande de génération en génération et que rien ne se perde dans le temps.
Alors, si on examine les choses avec le regard de Dieu, Ésaü
n’est pas l’aîné et Jacob le cadet ; Ils sont jumeaux et c’est un indice
de grande taille que nous donne le Seigneur.
Car ce sont bien deux aînés qui se sont consacrés avec
Jacob et Ésaü puisqu’il y a eu deux lignées différentes avec deux familles parallèles ;
deux patrimoines, deux nations. La lignée d’Israël avec Jacob et celle d’Édom
avec Ésaü.
Ceux qui ne comprennent pas le but de Dieu y voient une
inégalité : Jacob meilleur qu’Esaü, Israël au-dessus d’Edom. Israël,
l’élue, Edom la déchu.
Les autres éclairés, y voit la vérité : d’abord la
prédestination de deux peuples et non pas une prédestination d’âmes sauvés et
d’âmes déchus.
En fait le but divin prend forme dans une COMPLEMENTARITE entre Israël et Edom.
Pourquoi ?
Parce que de ces deux lignés sortiront des fils de Dieu (quelques-uns
d’Edom feront des alliances avec les fils d’Israël)
Des édomites seront des rameaux greffés au cep du figuier
fertile, qui est celui d’Israël (par exemple la relation privilégiée de Obed-Edom
avec le roi David ; montre cette greffe. David laissa chez l’édomite
l’Arche de l’Alliance, pendant trois mois ce qui lui valut de grandes
bénédictions).
Et pour les 12 tribus d’Israël…
Le partage des territoires pour les 12 tribus suivrait le
même principe inégalitaire.
Certains, comme Manassé et Juda héritent de territoires
immenses comparés aux autres … Benjamin, Dan, Zabulon, Isaacar semble avoir été
complètement lésés.
Mais là aussi, il faut avoir un autre regard, un regard
d’aigle qui voit loin.
Ils ont reçu les territoires qui correspondent à leur besoin,
à leur fonction, à la bénédiction qu’a donnée Jacob à ses fils, avant de mourir.
-Manassé et Éphraïm se sont les fils de Joseph. Ils prennent
le rôle de rempart d’Israël. »
A moi Galaad, à
moi Manassé ; Éphraïm est le rempart de ma tête »
(Psaume 108 :8)
Ce n’est alors pas un hasard si on les trouve au nord de
Jérusalem. Ces peuples de puissants guerriers ont besoin d’espace parce qu’ils
sont nombreux et ils doivent couper l’offensive venant aussi de l’est du
Jourdain d’où leur position stratégique à l’ouest comme à l’est aussi.
-La tribu de Juda. Elle se trouve au sud, proche de
Jérusalem. Pourquoi ?
Parce que de Juda sortira le shilo, le croyant intègre, le
messie ; et parce que Juda protège
aussi Jérusalem par le sud.
Mais pourquoi un territoire si grand lui est donné ? Parce que beaucoup viendront se rajouter à elle. Éphraïm par exemple sera greffé au bois de Juda (sans parler des peuples étrangers avoisinant et limitrophes (Moab et Edom) qui viendront s’y convertir (penser à Ruth la moabite par exemple rachetée par Boaz le Judaïte et qui deviendra l’arrière-grand-mère du roi David et fera partie ainsi de la lignée des ancêtre de Jésus-Christ).
-Passons maintenant à la tribu de Lévy qui n’a reçu que des
villes. Mais leur fonction de sacrificateur nécessite qu’ils soient centrés sur
le service au temple et éparpillés sur le territoire pour être plus proche de
la population locale.
-De même avec la tribu de Dan où dans la réalité sortent la
plupart des prophètes .
Jacob avait prophétisé que « Dan
jugera son peuple, comme l'une des tribus d'Israël. ».
La fonction des danites est, elle aussi, d’aller au-delà de
leur territoire pour veiller et alerter sur la parole, pour juger le bien et le
mal et pour agir là où on ne les attend pas. Dan « espère dans le secours de l’Éternel » (Genèse 49 :18).
Alors, que constate-t-on ?
Les moyens pris ici par Dieu ne permettaient pas directement
de rendre visible ses buts puisque Dieu se
soucie davantage de l’équité que de
l’égalité. Et c’est ce qui a fait souvent confusion entre but et moyens.
Qui a vu que l’héritage des tribus a pour but principal non pas de privilégier certaines tribus à d’autres, mais de protéger Jérusalem, la cité sainte, contre les assauts des peuplades étrangères, mais aussi de protéger la foi hébraïque, d’accroitre son influence et de pérenniser la foi (n’oublions pas qu’il y a un ennemi interne aussi et donc des combats entre tribus d’Israël, un schisme même entre les tribus du nord et celles du sud)?
Voilà le but de Dieu. Il n’est pas de répartir équitablement les territoires en faisant une superficie égale entre les tribus, mais d’organiser de façon stratégique son plan de bataille pour que sa justice règne.
Cette égalité-là disparait de nos jours, où on pense davantage à donner la même part à chacun.
Plus près de nous, en France, c’est comme avec cette loi sur
la parité homme-femme dans le gouvernement. A priori cette loi est égalitaire
donc juste.
Or, en y regardant autrement, cette égalité-là est
inefficace.
Le but d’un gouvernement n’est pas d’avoir une parité, mais
des politiciens compétents selon ce que demande leur ministère, peu importe
leur genre (masculin féminin).
Les moyens sont inadaptés au but puisqu’on ne recrute plus
les personnes selon un critère de compétence mais d’appartenance sexuel.
Le résultat est que des femmes prennent les postes d’hommes et vice et versa parce que leur compétence a été sous-évaluée au profit d’une obligation de principe : avoir cinquante pour cent de femmes et cinquante pour cent d’hommes.
Non ! Regardez l’égalité divine, elle possède une intelligence et une subtilité
inégalable. Elle voit beaucoup plus loin que les moyens qu’elle se
donne. Les buts sont d’ailleurs limités aux yeux des humains qui n’y voient que
la partie immergée de l’iceberg, et encore….
Dieu, lui, voit l’ensemble et la finalité de son projet universel.
Donc, faisons attention aux buts et aux moyens pour juger de
l’égalité d’une chose, car bien souvent l’esprit humain analyse partiellement,
selon ce qu’il a envie de trouver et en plus en décontextualisant. Il rendra
tantôt les buts supérieurs au moyen, tantôt il confondra les deux : buts
et moyens ;
ou encore, il rendra inadapté les buts avec les moyens.
L’égalité de Dieu c’est une balance avec des bornes, des limites. Quand les bornes sont dépassés, la balance devient fausse, l’égalité n’y a ait plus.
La balance…mais, entre quoi et quoi ?
D’un côté ce qui est sacré de l’autre ce qui est profane. L’égalité divine n’est pas la proportionnalité, ce n’est pas le 50/50. C’est le 100% : tous les poids doivent être du même côté. Tout du côté sacré et rien du côté profane. Ce n’est pas 90% de sacré et 10% de profane parce que Jésus-Christ, par le sang de son sacrifice effacera ce qui reste d’impur. Cette doxa-là est une abomination. On ne se moque pas de Dieu. L’autel des sacrifices est à l’extérieur du Temple. Ce n’est pas un hasard s’il n’est pas à l’intérieur. Et c’est à l’homme d’y amener l’animal sacrifié et de le brûler entièrement.
Si on revient au principe égalitaire, qui a été soulevé par
Paul.
Tout est du côté sacré… si et seulement si dans la
communauté des croyants il n’y a plus d’indigents ;
pour la raison que les collectes vont toutes en direction des personnes en manque ou en détresse. Pour la raison aussi qu’il n’y a plus de privilégiés, mais que le seul critère, l’unique intention est le besoin de l’autre.
Alors, certains prendront l’exemple des ouvriers de la
onzième heure (une parabole de Matthieu chapitre 20) pour montrer que Jésus-Christ
est sous un principe d’égalité relevant plutôt du communisme. Il donne à chaque
ouvrier qui a travaillé dans sa vigne la même somme ; peu importe qu’il
soit venu travailler une seule heure ou toute la journée.
Mais là encore quel est le but de Dieu ?
De montrer que sa grâce ne tient pas compte du mérite ?
Oui.
Ou que ce qui l’importe,
c’est en fait que tout le monde puisse venir travailler pour lui ? Oui.
N’y-a-t-il pas une troisième intention ? Le fait de
payer chacun la même somme ne met-il pas en relief aussi les intentions profondes
des ouvriers ?
C’est une parabole concernant le royaume de Dieu, ce n’est pas un récit concernant le travail.
Mais convenons-en, la revendication de ceux qui viendraient travailler par exemple pour l’argent essentiellement, saute aux yeux, comme ceux qui seraient content d’avoir peu travaillé pour au final, gagner autant que les autres.
En donnant la même somme à tous, le fils de Dieu voulait sans doute montrer que travailler dans sa vigne c’est d’abord travailler pour les autres et que la rémunération c’est de voir des âmes se convertir, des cœurs se briser, des genoux fléchir. Peu importe après tout l’argent, c’est secondaire. Cela ne compte pas.
Là aussi les moyens (un mauvais entrepreneur qui gère mal son embauche et qui rémunère injustement ses ouvriers) ont confondu le but de Dieu en ne le montrant pas directement. Le but divin est de voir à quel type d’ouvrier il a à faire : A-t-il à faire à un mercenaire sans scrupule, ou a-t-il face à lui un ouvrier au cœur bien disposé ?
Le denier, la monnaie romaine de l’époque, a pris la forme
d’une lumière révélant la vérité.
L’égalité avec Dieu se voit dans le cœur de ceux qui cherchent simplement à être utile à l’autre, à l’édifier : voilà la vigne du Seigneur. L’ouvrier utile, c’est celui qui se donne avec cœur et conviction sans regarder à la rémunération, ni au temps passé. Il est heureux de son travail, plus que de sa rémunération.
La vraie générosité place l’égalité à un autre niveau…au
niveau de l’équité (la justice).
Alors soyons généreux, puisque les autres le seront aussi
avec nous. Joignons la foi à l’amour pour répandre la justice de Dieu.
Amen
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