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Par Eric Ruiz
Nous avons des verrous à faire sauter (encore, oui), des obstacles à appréhender que nous ne soupçonnons pas.
Par exemple : l’effet d’ancrage est un phénomène psychologique très
fréquent mais que peu connaissent.
Nous avons des idées, des opinions, des avis que
nous avons depuis un certain temps et qui se sont ancrés dans notre cerveau.
Ils se sont installés en premier, là, comme des vérités immuables.
Et, l’effet d’ancrage consiste à privilégier inconsciemment la première information reçue et à l’utiliser en tant que valeur de référence.
La foi n’échappe pas à ce phénomène.
-« Le jugement dernier », par
exemple, c’est un puissant ancrage.
Même si vous êtes maintenant persuadé que la
mort ne rime pas forcément avec dernier jugement, qu’il y a d’autres jugements
que l’on connait durant notre vie terrestre, que grand jugement ne veut pas
dire dernier, vous aurez tendance à toujours vous référer à ce que vous avez
appris en premier.
C’est une loi psychologique.
Cette loi : c’est la difficulté à se défaire d’une première
impression.
C’est comme si vous avez écrit un texte en premier et que l’encre a du mal à s’effacer, qu’il reste toujours le texte d’origine. Et quoi que vous écriviez de nouveau, ce vieux texte réapparait et vous trouble.
-Autre ancrage: « Il faut être baptisé
d’eau pour être sauvé ».
Le baptême, cet acte de démonstration de notre
engagement de foi, ne sauve pas.
Eh bien, inconsciemment, même une fois convaincu du contraire vous aurez encore tendance à voir un non baptisé comme une personne en danger vis-à-vis de son salut. Et il vous faudra lutter contre ce doute.
Tout cela pour dire : qu’on se débarrasse très difficilement de nos premières impressions. Et reconnaissons-le, chacun à son propre niveau nous avons pu expérimenter cet état de fait.
Alors comment se débarrasser de ses anciennes
idées qui viennent brouiller nos décisions ?
Comment se débarrasser de crédos qui nous font encore douter de nos nouvelles conceptions que l’on reconnait alors comme vraies ?
Éviter les pièges de l’ancrage demande-t-il une force de caractère ou une discipline de fer ?
Vous savez, seul le Saint-Esprit convainc de justice. Seul Dieu nous change réellement. C’est lui qui nous purifie au final. Nos actes aussi répétés, nos efforts aussi grands soient-ils ne suffisent pas à effacer complètement nos doutes. Nous avons besoin d’une relation étroite entre l’esprit de Dieu et nous-mêmes.
Je dirais alors… cet effet d’ancrage est une
bonne chose. Pourquoi ?
Parce qu’il nous fait réaliser que nos contradictions, comme nos doutes dévoilent l’écart de notre relation avec Dieu. Notre intimité avec lui n’est pas encore assez proche. Cette distanciation est bien réelle, la preuve : puisque l’effet d’un ancrage existe toujours.
L’ancrage s’exerce dans d’autres domaine.
Il suit le même effet lorsque, au sein de l’assemblée, un frère qui était connu en premier comme un frère simple, ne faisant jamais de vague, n’ayant jamais été repéré pour des actes de foi extraordinaires, se met d’un seul coup, à un moment inattendu, à enseigner, à prophétiser, à exhorter, à sortir de cette étiquette « de gentil frère » qui lui collait depuis tant d’année à la peau. Même si vous reconnaissez que son réveil est surnaturel et que Dieu a investi en lui une nouvelle mission, beaucoup reviendront à l’étiquette du départ. Et ils seront encore troublés par ce qu’il était au départ.
Et ce trouble est un indicateur…mais pour qui ? Pour eux-mêmes, pour ceux qui sont troublés.
Alors, les effets de l’ancrage apparaissent
aussi au grand jour dans la Bible.
L’apôtre Paul a lutté toute sa vie avec cette étiquette
qu’il avait au départ.
Il était connu auparavant comme Saul le Pharisien. Le juif fanatique qui a persécuté à mort les disciples de Jésus. Il n’était pas comme Pierre ou Jean, ou Jacques, des apôtres qui avaient, eux, connus le fils de Dieu. Ils avaient mangé à sa table. Ils avaient écouté son enseignement, vus les miracles, reçus des commandements du Seigneur. Leur vécu permettait, par conséquent, de créer sur les autres un ancrage différent de celui de Paul. Leur légitimité n’était pas à démontrer.
Quand Jean dans sa première épitre au chapitre
1, écrit : « Voici le message que nous avons entendu de Jésus-Christ et
que nous vous annonçons: Dieu est lumière et il n'y a aucune obscurité en
lui ».
Qui
mettrait en cause ses paroles ? C’est comme si Jésus les disait lui-même.
Or, Paul, lui n’avait jamais vécu avec Jésus de son vivant. Il l’avait reconnu bien plus tard ; sur le chemin de Damas, après qu’une voix lui ait dit : « Saul pourquoi me persécute-tu ? ».
Alors ce vieil ancrage revient avec les
Corinthiens. L’apôtre de Tarse est obligé de justifier ses actes :
« Je le répète, que personne ne me
regarde comme un insensé; sinon, recevez-moi comme un insensé, afin que moi
aussi, je me glorifie un peu. » (2 Corinthiens 11 :16).
Paul a toujours cette étiquette de menteur parce que
Pharisien, il était un farouche opposant à la vérité.
Et cette étiquette revient par moment comme une nouvelle
fois, avec les frères Romains.
« Je dis la vérité en Christ, je ne mens
point, ma conscience m'en rend témoignage par le Saint-Esprit: » (Romains 9 :1)
De même les épreuves qui lui arrivent font
douter les Éphésiens sur le ministère de l’apôtre, sur ce ministère qu’il a
aussi pour eux.
« Aussi je vous demande de ne pas perdre courage à cause de mes tribulations pour vous: elles sont votre gloire » (Éphésiens 3 :13)
Et pour les frères de la Galatie, curieusement
Paul met les pieds dans le plat. Il commence sa lettre en s’étonnant que les
Galates se tournent vers un autre Évangile, attirés par d’autres personnes, troublés
par elles.
Eh bien, sans connaître ce phénomène
d’ancrage, Paul sait que c’est sa
première identité qui lui fait encore défaut ;
Et la preuve : c’est qu’il revient sur
son passé en affirmant que ce qu’il a reçu ne vient pas d’un homme mais d’une
révélation de Jésus-Christ.
Puis, il décrit tout son parcours chaotique du
départ (celui de persécuteur jusqu’à celui de disciple de Christ).
Il réaffirme là aussi « Dans ce que je vous écris, voici, devant Dieu, je ne mens point. » (Galates 1 :20).
C’est un vrai leitmotiv dans ses lettres, où l’apôtre voit à tout moment son passé
revenir comme pour le discréditer.
Il est obligé de se justifier pour, au contraire, rappeler à ses lecteurs que son passé glorifie le Seigneur et que son apostolat est bien légitime.
Mais nous pouvons là aussi le constater,
lorsque les croyants se refroidissent dans leur foi, ils doutent sur le
bien-fondé de la foi de ceux qui l’enseigne, en rapport à leur état premier.
Ils ne voient plus l’homme de foi que leur enseignant est, mais l’homme profane ou l’être insignifiant, misérable qu’il était au début… et ils se détournent de lui.
Ce biais de l’esprit, cet ancrage (sans qu’ils
l’aient théorisé pour autant) est bien connu des religieux.
Ceux de l’époque de Jésus, disait déjà de lui : c’est le fils de Joseph le charpentier et le voilà qui se prétend être le fils de Dieu ? ».
Et plus tard, Marcion, qui pensait que seul
Paul avait réellement compris le Christ, lui mettait un couteau dans le dos en
refondant un nouvel Évangile, et en supprimant la moitié de l’épitre aux
Romains
Par sa vanité et son envie d’être admiré comme un apôtre, il fit sa Bible Marcion en désirant au fond de lui devenir un nouvel ancrage pour la foi en Christ.
Paul, en fait, était l’apôtre le plus
facilement attaquable à partir de son identité de pharisien.
Et aujourd’hui, il y a encore beaucoup de
chrétiens qui sous-estiment ses écrits, les considérants comme secondaires ou
parfois inspirés, parfois non ;
Paul s’exprimerait parfois par l’esprit et
parfois comme un homme, selon la chair.
Pensez-vous que les écrits de l’Apocalypse
auraient eu autant d’impact s’ils avaient été écrits pas Paul ? Laissez-moi
en douter.
L’apocalypse de Paul aurait bien-sûr créé des controverses. Son impact aurait été malheureusement diminué, mais Dieu est omniscient, il sait tout. Et il sait qui il choisit et pour quelle mission.
Alors l’exemple de l’apôtre Paul inspire
jusqu’au mal, puisque le côté manipulateur, des élites religieuses font que, elles
recherchent toutes une première identité ; et une identité
avantageuse, glorieuse.
L’impact est plus fort si on se vante d’être
fils spirituel d’un grand prophète, ou d’avoir connu et été enseigné par un
imminent docteur de la foi, ou d’avoir reçu un ministère par imposition des
mains d’un illustre prédicateur, ou d’avoir été consacré par une ordination
suprême ; d’être baptisé par un grand apôtre, dès le départ.
Toute cette conquête de l’identité sert à la longévité de l’élite. C’est celle qui fera référence dans les moments difficiles.
Et ce qui est remarquable à l’inverse, c’est l’attitude
de Paul ; son honnêteté et sa transparence est admirable. L’apôtre, à
aucun moment, ne s’est associé aux disciples de Jésus pour en tirer profit ou trouver
une icône qui servirait son image et sa fonction.
Mais, il s’est toujours associé à ce qu’il recevait de l’Esprit Saint.
Dans le premier chapitre de l’épitre aux
Galates, voilà ce qu’il dit dans la version Bible Français Courant :
« je ne suis allé demander conseil à personne et je ne me suis pas non plus rendu à Jérusalem auprès de ceux qui furent apôtres avant moi; mais je suis parti aussitôt pour l'Arabie, puis je suis retourné à Damas.(pour y établir des Églises) 18C'est trois ans plus tard que je me suis rendu à Jérusalem pour faire la connaissance de Pierre (donc pas pour lui demander conseil), et je suis resté deux semaines avec lui. 19Je n'ai vu aucun autre apôtre, mais seulement Jacques, le frère du Seigneur...22Les Églises chrétiennes de Judée ne me connaissaient pas personnellement. 23Elles avaient seulement entendu dire: «Celui qui nous persécutait autrefois prêche maintenant la foi qu'il s'efforçait alors de détruire.»
Vous voyez, Paul ne dit pas qu’il a tiré son
enseignement d’un apôtre comme Simon Pierre; il ne met pas en avant une
rencontre qui lui aurait conféré une onction ou un titre suprême.
Il n’en a pas profité aussi pour visiter les
frères de Jérusalem, afin de se montrer à eux. De les enseigner, se montrant supérieurement
inspiré et influent.
Non, Il ne se réfère qu’au Saint-Esprit!
Plus que cela, Paul va même jusqu’à
reconnaitre qu’il s’est opposé à Simon
Pierre oui, celui même qui a reçu les clés du Royaume par Jésus, ce lui-même à
qui il lui a été donné de faire paitre le troupeau du Seigneur.
C’est dans (Galates
2 :11)
« Mais quand Pierre vint à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, parce qu'il avait tort.».
Oh là (là) Paul était-il insensé ou orgueilleux à ce point,
au point de résister à Simon Pierre, de s’opposer à lui ?
Non, les intentions de Paul comme celles du
Seigneur étaient autres.
Dieu ne souhaite-t-il pas plutôt montrer que
personne n’est au-dessus des autres, mais que l’Esprit rétablit sa justice en
faisant que chacun veille sur son frère ?
Chacun est testé dans son niveau d’humilité, Simon Pierre comme Paul.
Et ici, il n’est pas question d’une identité
meilleure qu’une autre.
Ceux qui ont connu le Seigneur de visu ne sont en rien supérieurs à ceux qui l’ont reçu par l’Esprit.
Pierre, a commis, certes, une erreur en
évitant de manger avec les païens pour ne pas être jugé par les juifs, il
aurait dû, c’est vrai, ne pas craindre leur jugement.
Mais sa défaillance lui ait bien-sûr pardonnable et Paul n’a sûrement pas profiter de l’occasion pour s’imposer comme son nouveau mentor, son nouveau maître à penser (comme beaucoup de croyants de l’époque ou d’aujourd’hui auraient aimé le faire à sa place, c’est certain).
Vous voyez, notre cerveau fait de lui-même des hiérarchies. Et, elles ne sont pas justes. Il y a tromperie. La stratégie mentale commence par un classement par défaut : En numéro 1 : La vue.
La vue est supérieure à l’esprit.
Mais n’est-il pas écrit dans les
Évangiles : « Heureux ceux qui ont cru sans avoir
vu », Alors ?...
Alors, cela revient à dire aussi heureux ceux
qui ne suivent pas un enseignant par ses vertus extérieures, mais par sa
richesse intérieure (son esprit, ses sentiments manifestés, son intention).
Thomas a reconnu Jésus par les trous dans ses
mains et sur son côté (par la vue) ; les autres disciples l’ont reconnu
autrement ; sur le chemin d’Emmaüs leur cœur brûlait en entendant ses
paroles ;
Et pendant que Jésus rompaient le pain à table, et bénissait leur communion, son esprit, ses sentiments, son intention leur apparurent clairement.
Donc, l’effet de l’ancrage est un ami lorsqu’il
nous permet de juger de notre éloignement de Dieu (Nous avons alors replacé la
vue avant l’esprit).
Mais, c’est un faux ami lorsque nous considérons nos premières impressions comme
vrai.
Les effets de tout ancrage naturel doivent
donc être cloué, crucifié pour que ses effets n’interfèrent pas avec notre foi.
Ne le laissons pas creuser des doutes en nous.
Ne laissons pas notre chair nous manipuler.
Le Saint-Esprit agit bien au-delà de nos
premières impressions… afin que nous puissions vivre le moment présent dans la
vérité.
Amen
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