dimanche 18 mai 2025

TARTUFFE & FOI CHRETIENNE

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Par Éric Ruiz

Matthieu 15 :7-9 « Hypocrites, Esaïe a bien prophétisé sur vous, quand il a dit:8Ce peuple m'honore des lèvres, Mais son cœur est éloigné de moi.9C'est en vain qu'ils m'honorent, en enseignant des préceptes qui sont des commandements d'hommes. ».


Aujourd’hui je vais aborder ce thème de l’hypocrisie religieuse en prenant un tout autre chemin qu’à l’accoutumé. Je suis tombé cette semaine sur une mise en œuvre très démonstrative et très bien illustrée sur ce caractère, de l’hypocrisie, de cette marque des faux prophètes (et il ne faut pas les oublier de ceux qui les suivent ; et ils sont nombreux) parce qu’ils ont le même dieu : celui qui sert leur propres intérêts.

D’abord, Jésus en employant le pluriel d’hypocrites ne s’adresse pas à un hypocrite en particulier, mais aux hypocrites en général. Il n’est pas dans une relation où il accuse frontalement une personne d’hypocrisie. Il n’est pas dans l’accusation parce qu’il souhaite une prise de conscience de celui qui s’égare afin qu’il se libère du mal. Que l’hypocrite s’en libère de la même façon que celui qui est manipulé par l’hypocrite.

« La vérité vous rendra libre », c’est le projet de Dieu. Dieu veut libérer un peuple persécuteur comme un peuple persécuté. Or, le fait d’accuser provoque l’inverse : une réticence, une adversité qui aboutit à rejeter la possibilité de se remettre en cause. Mais Jésus en employant le pluriel qualifie le projet de tout un peuple qui a brisé son alliance avec lui. Par 16 fois le mot « hypocrite » apparait conjugué au pluriel dans les Evangiles, et 16 fois il est prononcé par Jésus. Le nombre 16 insiste aussi sur un clan, une tribu, une famille ou un peuple regroupé avec ce projet qui lui colle à la peau.

 

Alors venons vers ce chemin que Dieu m’a fait prendre. Et quoi de mieux qu’un comédien pour incarner un hypocrite qui est un comédien et qui joue une comédie, un jeu de dupe. En France sous le règne du roi Louis XIV, nous avons eu une personne, l’illustre Molière pour ne pas le nommer (car c’est le plus célèbres des comédiens et des dramaturges de la langue française) qui a tourné en dérision un peuple de « religieux hypocrites ».

À travers le personnage de Tartuffe, Molière dénonça la comédie, l’imposture, la fausse piété de ceux qui se présentent comme des modèles de piété et qui en se faisant les directeurs de conscience s’introduisent dans les familles et abusent d’elles en formant des projets iniques, en agissant en secret et bien-sûr en tendant des pièges dans le but de s’accaparer, argent, biens, personnes et héritage.

Le Tartuffe ou l’imposteur, c’est exactement ce personnage de la pièce que décrit Paul dans sa deuxième lettre à Timothée

« des hommes ( pour la plupart mais ont peu y rajouter les femmes aussi)… égoïstes, amis de l'argent, fanfarons, hautains, blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, irréligieux, 3insensibles, déloyaux, calomniateurs, intempérants, cruels, ennemis des gens de bien, 4traîtres, emportés, enflés d'orgueil, aimant le plaisir plus que Dieu, 5ayant l'apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force. Eloigne-toi de ces hommes-là. 6Il en est parmi eux qui s'introduisent dans les maisons, et qui captivent des femmes d'un esprit faible et borné, chargées de péchés, agitées par des passions de toute espèce, »

 

Molière a présenté pour la première fois sa pièce sous le titre « Le Tartuffe ou l'Hypocrite », au château de Versailles devant le roi Louis XIV et une partie de la cour. C’était le 12 mai 1664. Là aussi le nombre « 12 » révèle le mal et sa stratégie diabolique. Le 12, ôte le voile,  il fait tomber les masques. Il apporte avec lui, les preuves.

Dans la comédie de Molière, Tartuffe est démasqué et les preuves de son plan diabolique sont étalées aux yeux tous. La vérité met à nu tout le monde : Ceux qui le suivaient aveuglément comme ceux qui voyaient déjà le sombre personnage.

Tartuffe, c’est un nom propre qui est aussi un nom commun utilisé pour signifier «  un personnage malsain, qui sous couvert de religion affecte une dévotion et une vertu profondes dans le but de séduire son entourage et d’en tirer profit. ».

Dans cette pièce de théâtre, les rouages d’imposture, comme ceux de la manipulation sont mises en lumière. On voit très bien la manigance de Tartuffe, (comment, il s’y prend pour séduire son entourage, comment, caché sous son masque de saint homme de Dieu, il en tire tous les profits).

Alors,  comme au temps de Jésus les faux dévots se révoltent contre la vérité, contre celui  qui veut rendre public leurs mauvais desseins ; et ici, c’est contre le comédien, contre un comédien engagé que va se déchainer la censure. C’est-à-dire c’est contre un homme publique qui prend position contre le mal ; Molière affiche clairement ses positions anti cléricales non pas pour dénoncer une religion, mais un comportement malsain que tant d’hypocrites religieux manifestent.

 

Avec Le Tartuffe qui a soulevé le plus gros scandale de la carrière de Molière, ce ne sont pas les scribes et les pharisiens qui vont être violent à son égard, mais les faux dévots de l’époque et précisément l’archevêque de Paris qui ne tergiverse pas. Il excommuniera d’avance les fidèles qui se risqueront à aller voir la pièce. Parce que dans les faits, la religion ne peut souffrir cette ressemblance du vice avec la vertu. Et pourtant ce mariage inique a été dénoncé avec force par Jésus. Et tout au long des siècles ce mariage entre le vice et la vertu n’a fait que révéler catastrophes et désastres en tout genre dans les familles. Là où la sainteté est élevée comme un étendard, il se pratique toujours des abominations.

La raison est toujours la même : le religieux hypocrite, se sent toujours jugés par les autres puisque lui-même est jugeur. Et s’il ne peut pas jouer la comédie, la violence verbale comme physique c’est sa première arme.

 

Pour preuve encore, face à Molière, Le curé de l'église Saint-Barthélemy de Paris, fait remettre à Louis XIV un écrit qui présente Molière comme un impie, un « démon vêtu de chair et habillé en homme » et promis au feu de l'enfer pour avoir osé tourner en dérision la fonction de directeur de conscience; et certains iront même plus loin, ils iront jusqu'à réclamer le bûcher pour l’auteur.

Toujours ces mêmes propos chargés de haine et de condamnation ! Mais Dieu se sert de tout un chacun pour révéler la vérité. Là aussi les chrétiens d’aujourd’hui ont tendance à séparer la vertu chrétienne du vice, en attribuant le vice aux païens, à ce peuple non chrétien. Ce peuple qui est méprisé où aucune vérité ne peut sortir de lui.

Et pourtant l’histoire va les faire mentir, puisque l’histoire nous révèle que les écrits de Molière vont se répandre partout à la manière de l’Evangile. Le Tartuffe,  est considéré comme l'un des chefs-d'œuvre de son auteur. Cette œuvre est toujours enseignée dans les lycées de France et dans les états francophones.

À la Comédie-Française, Le Tartuffe a été représenté plus de 3 000 fois. C'est la pièce la plus jouée du répertoire.  Molière a mis sa vie en péril avec ce texte qui affiche ses convictions personnelles sur les problèmes religieux. Sa position est tellement dérangeante pour la caste religieuse de l’époque qui manipulait la noblesse et la bourgeoisie. La censure a aidé au succès de la pièce. Après la première représentation, pressée par le clergé et par un entourage lui aussi empreint d’hypocrisie, le roi soleil a interdit sa diffusion publique.

Mais, de plus en plus de monde attendait impatiemment de voir comment Molière dénonce la fausse dévotion, le jeu de l'hypocrisie, l'imposture religieuse. 

Certes le plus grand dramaturge français, n’a pas cité les versets de l’Evangile. Il n’a pas dit : « Malheur à vous, religieux hypocrites! Parce que vous dévorez les maisons des veuves, et que vous faites pour l'apparence de longues prières; à cause de cela, vous serez jugés plus sévèrement »

Mais Molière en fin de compte a mis en scène ce verset avec le récit d’une famille de la haute bourgeoisie victime d'un homme qui se présente lui-même comme un grand serviteur de Dieu, très pieu et qui dresse le père contre ses enfants, qui tente de séduire sa femme et qui use de manigance pour toucher la fortune de la famille. C’est un remake de tellement de familles chrétiennes !  On a un faux prophète ou un croyant habile à l’esprit fourbe qui prend le pouvoir sur une famille et qui la divisent.

 

Cependant, Le Tartuffe de Molière ne doit pas nous faire haïr la foi, mais au contraire, nous devons avoir en horreur ce faux Evangile qui consiste à nous faire tomber dans le piège du comportement manipulateur et fourbe. Nous devons aimer la vérité incarnée par le seul vrai Dieu qui fait de nous des êtres sans masque ni détours. Aimons le Seigneur qui ne cesse de mettre la lumière sur le mal pour que nous nous en séparions. Les excès de piété cachent très souvent un esprit fourbe. Se vanter ou mettre toujours en avant un rite religieux particulier, c’est un voile qui cache des intentions charnelles.  Celui qui se targue de prier souvent, celui qui parle sans cesse de moralité, ou qui sait toujours quoi dire à un païen, ou qui s’offusque quand quelqu’un manque un dimanche pour aller à l’Eglise. Celui-là ne joue-t-il pas de la musique avec des fausses notes ?          

Parce que lorsque le plaisir de dissimuler rentre dans l’âme, le repentir est alors tellement difficile.

 

Par conséquent, loin de se sentir à l’abri face à de tels comportements, nous devons user d’humilité et de clairvoyance sur nous-même. Jésus sais que nous sommes souvent tenté et il nous prévient que l’hypocrite le devient au moment même où il voit dans l’œil de l’autre la paille alors que la poutre est si visible dans le sien. « Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l'œil de ton frère. »

 

Maintenant, je ne suis pas en train de faire de Molière un modèle de foi, ni de dire que Molière fût prophète. Loin de là. Certes, il a pris des risques avec cette pièce. Mais 5 ans après sa première version interdite, qu’on ne trouve plus d’ailleurs, qui a complètement disparue, Molière a réécrit le texte (passant de 3 à 5 actes) pour le rendre acceptable afin de calmer les furies du clergé. Il a aussi agi par flatterie envers le roi, afin que le roi continue à lui faire confiance et à le plébisciter.  

N’a-t-il pas alors lui aussi agit en hypocrite ? Je trouve la fin de la pièce, le dernier acte, la dernière scène très significative d’une dédicace faite à la monarchie. C’est vrai que c’est Louis XIV qui lui redonne l’autorisation de rendre publique sa pièce, mais Molière aurait pu finir Le Tartuffe bien autrement qu’en valorisant un prince qui vient délivrer le pauvre Orgon et sa famille qui a été chassé de chez lui par le faux dévot. On a là l’éloge du souverain, le souverain défenseur du bien et ennemi de la fraude, qu’aucun imposteur ne peut tromper grâce à son fin discernement. Les compromis de Molière sont évidents. C’est dommage que sa flatterie l’amène à placer le roi Louis XIV (ce roi soleil, idolâtre, narcissique et mégalomane) du côté des sages et des défenseurs de la vérité. Mais c’est à ce prix que Molière devra sa survie et sa notoriété.

 

Un prophète lui, n’aurait rien changé, rien déplacé ni même une virgule au texte initial. Un prophète n’a que faire de plaire au roi et aux hommes. Il n’est pas en représentation.  Il a choisi Dieu à sa réussite sociale, et son sacrifice le démontre.

Quoi qu’il en soit, ce qu’a fait Molière est une bonne chose, La preuve, Tartuffe est encore joué dans de nombreux théâtres dans le monde entier et continue à remplir les salles.

 

L’avarice, la convoitise, la vanité, ce sont les démons du tartuffe. Et ils sont la source de tous les maux.  Ça veut dire que notre combat est bien là. Afficher ses convictions de foi, ce n’est pas afficher sans cesse ses rites religieux, ou sa morale chrétienne. Mais s’est affiché un comportement honnête et transparent lavé de toute hypocrisie.  Nous devons avoir une foi engagée, c’est-à-dire avoir une conduite où les compromis n’existent pas. Tenir son engagement vis-vis de Dieu s’est refuser de manipuler ou d’être manipuler pour aucune cause quel qu’elle soit, même si cette cause est pour le bien.

Amen

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