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Par Éric Ruiz
Matthieu 15 :7-9 « Hypocrites, Esaïe a bien prophétisé sur vous, quand il a dit:8Ce peuple m'honore des lèvres, Mais son cœur est éloigné de moi.9C'est en vain qu'ils m'honorent, en enseignant des préceptes qui sont des commandements d'hommes. ».
Aujourd’hui je vais aborder ce thème de l’hypocrisie
religieuse en prenant un tout autre chemin qu’à l’accoutumé. Je suis tombé
cette semaine sur une mise en œuvre très démonstrative et très bien illustrée
sur ce caractère, de l’hypocrisie, de
cette marque des faux prophètes (et il ne faut pas les oublier de ceux qui les
suivent ; et ils sont nombreux) parce qu’ils ont le même dieu : celui
qui sert leur propres intérêts.
D’abord, Jésus en employant le pluriel d’hypocrites ne
s’adresse pas à un hypocrite en particulier, mais aux hypocrites en général. Il
n’est pas dans une relation où il accuse frontalement une personne
d’hypocrisie. Il n’est pas dans l’accusation parce qu’il souhaite une prise de
conscience de celui qui s’égare afin qu’il se libère du mal. Que l’hypocrite
s’en libère de la même façon que celui qui est manipulé par l’hypocrite.
« La vérité vous rendra libre »,
c’est le projet de Dieu. Dieu veut libérer un peuple persécuteur comme un
peuple persécuté. Or, le fait d’accuser provoque l’inverse : une
réticence, une adversité qui aboutit à rejeter la possibilité de se remettre en
cause. Mais Jésus en employant le pluriel qualifie le projet de tout un peuple
qui a brisé son alliance avec lui. Par 16 fois le mot « hypocrite »
apparait conjugué au pluriel dans les Evangiles, et 16 fois il est prononcé par
Jésus. Le nombre 16 insiste aussi sur un clan, une tribu, une famille ou un
peuple regroupé avec ce projet qui lui colle à la peau.
Alors venons vers ce chemin que Dieu m’a fait prendre. Et
quoi de mieux qu’un comédien pour incarner un hypocrite qui est un comédien et
qui joue une comédie, un jeu de dupe. En France sous le règne du roi Louis XIV,
nous avons eu une personne, l’illustre Molière pour ne pas le nommer (car c’est
le plus célèbres des comédiens et des dramaturges de la langue française) qui a
tourné en dérision un peuple de « religieux hypocrites ».
À travers le
personnage de Tartuffe, Molière
dénonça la comédie, l’imposture, la fausse piété de ceux qui se présentent
comme des modèles de piété et qui en se faisant les directeurs de conscience s’introduisent
dans les familles et abusent d’elles en formant des projets iniques, en agissant en
secret et bien-sûr en tendant des pièges dans le but de s’accaparer, argent,
biens, personnes et héritage.
Le Tartuffe ou l’imposteur, c’est exactement ce personnage de
la pièce que décrit Paul dans sa deuxième lettre à Timothée
« des hommes ( pour la plupart
mais ont peu y rajouter les femmes aussi)…
égoïstes,
amis de l'argent, fanfarons, hautains, blasphémateurs, rebelles à leurs
parents, ingrats, irréligieux, 3insensibles, déloyaux, calomniateurs, intempérants, cruels,
ennemis des gens de bien, 4traîtres, emportés, enflés d'orgueil, aimant le plaisir
plus que Dieu, 5ayant l'apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait
la force. Eloigne-toi de ces hommes-là. 6Il en est parmi eux qui s'introduisent dans les maisons, et
qui captivent des femmes d'un esprit faible et borné, chargées de péchés,
agitées par des passions de toute espèce, »
Molière a présenté pour la première fois sa pièce sous le
titre « Le Tartuffe ou l'Hypocrite »,
au château de Versailles devant le roi Louis XIV et une partie de la cour.
C’était le 12 mai 1664. Là aussi le nombre
« 12 » révèle le mal et sa stratégie diabolique. Le 12, ôte le voile, il fait
tomber les masques. Il apporte avec lui, les preuves.
Dans la comédie de Molière, Tartuffe est démasqué et les preuves
de son plan diabolique sont étalées aux yeux tous. La vérité met à nu tout le
monde : Ceux qui le suivaient aveuglément comme ceux qui voyaient déjà le
sombre personnage.
Tartuffe, c’est un nom propre qui est
aussi un nom commun utilisé pour signifier « un personnage malsain, qui sous couvert de religion affecte une
dévotion et une vertu profondes dans le but de séduire son entourage et d’en
tirer profit. ».
Dans cette pièce de théâtre, les rouages d’imposture, comme ceux de
la manipulation sont mises en lumière. On voit très bien la manigance de
Tartuffe, (comment, il s’y prend pour séduire son entourage, comment, caché
sous son masque de saint homme de Dieu, il en tire tous les profits).
Alors, comme au
temps de Jésus les faux dévots se révoltent contre la vérité, contre celui qui veut rendre public leurs mauvais
desseins ; et ici, c’est contre le comédien, contre un comédien engagé que va se déchainer la censure.
C’est-à-dire c’est contre un homme publique qui prend position contre le
mal ; Molière affiche clairement ses positions anti cléricales non pas
pour dénoncer une religion, mais un comportement malsain que tant d’hypocrites
religieux manifestent.
Avec Le Tartuffe qui a
soulevé le plus gros scandale de la carrière de Molière, ce ne sont pas les scribes et les pharisiens qui vont être violent à son égard, mais les faux
dévots de l’époque et précisément l’archevêque de Paris qui ne tergiverse pas.
Il excommuniera d’avance les fidèles qui se risqueront à aller voir la pièce. Parce que dans les faits, la religion ne peut souffrir
cette ressemblance du vice avec la vertu. Et pourtant ce mariage inique a été
dénoncé avec force par Jésus. Et tout au long des siècles ce mariage entre le
vice et la vertu n’a fait que révéler catastrophes et désastres en tout genre
dans les familles. Là où la sainteté est élevée comme un étendard, il se
pratique toujours des abominations.
La raison est toujours la même : le religieux
hypocrite, se sent toujours jugés par les autres puisque lui-même est jugeur.
Et s’il ne peut pas jouer la comédie, la violence verbale comme physique c’est sa
première arme.
Pour preuve encore, face à Molière, Le curé de l'église
Saint-Barthélemy de Paris, fait remettre à Louis XIV un
écrit qui présente Molière comme un impie, un « démon vêtu de chair et habillé en
homme » et promis au feu de l'enfer pour avoir osé tourner
en dérision la fonction de directeur de conscience; et
certains iront même plus loin, ils iront jusqu'à réclamer le bûcher pour l’auteur.
Toujours ces mêmes propos chargés de haine et de
condamnation ! Mais Dieu se sert de
tout un chacun pour révéler la vérité. Là aussi les chrétiens d’aujourd’hui
ont tendance à séparer la vertu chrétienne du vice, en attribuant le vice aux
païens, à ce peuple non chrétien. Ce peuple qui est méprisé où aucune vérité
ne peut sortir de lui.
Et pourtant l’histoire va les faire mentir, puisque l’histoire
nous révèle que les écrits de Molière vont se répandre partout à la manière de
l’Evangile. Le Tartuffe, est
considéré comme l'un des chefs-d'œuvre de son auteur. Cette œuvre est toujours
enseignée dans les lycées de France et dans les états francophones.
À la Comédie-Française, Le
Tartuffe a été représenté plus de 3 000 fois. C'est la
pièce la plus jouée du répertoire. Molière a mis sa vie en péril avec ce texte qui affiche ses convictions personnelles sur les
problèmes religieux. Sa position est tellement dérangeante pour la caste
religieuse de l’époque qui manipulait la noblesse et la bourgeoisie. La censure a aidé au succès de la
pièce. Après la première représentation, pressée par le clergé et
par un entourage lui aussi empreint d’hypocrisie, le roi soleil a interdit sa diffusion
publique.
Mais, de plus en plus de monde attendait impatiemment de voir
comment Molière dénonce la fausse dévotion, le jeu de l'hypocrisie, l'imposture
religieuse.
Certes le plus grand dramaturge français, n’a pas cité les
versets de l’Evangile. Il n’a pas dit : « Malheur à vous, religieux
hypocrites! Parce que vous dévorez les maisons des veuves, et que vous faites
pour l'apparence de longues prières; à cause de cela, vous serez jugés plus
sévèrement »
Mais Molière en fin de compte a mis en scène ce verset avec
le récit d’une famille de la haute bourgeoisie victime d'un homme qui se
présente lui-même comme un grand serviteur de Dieu, très pieu et qui dresse le
père contre ses enfants, qui tente de séduire sa femme et qui use de manigance
pour toucher la fortune de la famille. C’est un remake de tellement de familles
chrétiennes ! On a un
faux prophète ou un croyant habile à l’esprit fourbe qui prend le pouvoir sur une
famille et qui la divisent.
Cependant,
Le Tartuffe de Molière ne doit pas
nous faire haïr la foi, mais au contraire, nous devons avoir en horreur ce faux
Evangile qui consiste à nous faire tomber dans le piège du comportement
manipulateur et fourbe. Nous devons aimer la vérité incarnée par le seul vrai
Dieu qui fait de nous des êtres sans masque ni détours. Aimons le Seigneur qui
ne cesse de mettre la lumière sur le mal pour que nous nous en séparions. Les excès de piété
cachent très souvent un esprit fourbe. Se vanter ou mettre toujours en avant un
rite religieux particulier, c’est un voile qui cache des intentions charnelles.
Celui qui se targue de prier souvent,
celui qui parle sans cesse de moralité, ou qui sait toujours quoi dire à un
païen, ou qui s’offusque quand quelqu’un manque un dimanche pour aller à
l’Eglise. Celui-là ne joue-t-il pas de la musique avec des fausses
notes ?
Parce que
lorsque le plaisir de dissimuler rentre dans l’âme, le repentir est alors
tellement difficile.
Par
conséquent, loin de se sentir à l’abri face à de tels comportements, nous
devons user d’humilité et de clairvoyance sur nous-même. Jésus sais que nous
sommes souvent tenté et il nous prévient que l’hypocrite le devient au moment même
où il voit dans l’œil de l’autre la paille alors que la poutre est si visible
dans le sien. « Hypocrite,
ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la
paille de l'œil de ton frère. »
Maintenant, je ne suis pas en train de faire de Molière un modèle de foi, ni de dire que Molière fût prophète. Loin de là. Certes, il a pris des risques avec cette pièce. Mais 5 ans après sa première version interdite, qu’on ne trouve plus d’ailleurs, qui a complètement disparue, Molière a réécrit le texte (passant de 3 à 5 actes) pour le rendre acceptable afin de calmer les furies du clergé. Il a aussi agi par flatterie envers le roi, afin que le roi continue à lui faire confiance et à le plébisciter.
N’a-t-il pas alors lui aussi agit en hypocrite ?
Je trouve la fin de la pièce, le dernier acte, la dernière scène très
significative d’une dédicace faite à la monarchie. C’est vrai que c’est Louis
XIV qui lui redonne l’autorisation de rendre publique sa pièce, mais Molière
aurait pu finir Le Tartuffe bien
autrement qu’en valorisant un prince qui vient délivrer le pauvre Orgon et sa
famille qui a été chassé de chez lui par le faux dévot. On a là l’éloge du
souverain, le souverain défenseur du bien et ennemi de la fraude, qu’aucun
imposteur ne peut tromper grâce à son fin discernement. Les compromis de
Molière sont évidents. C’est dommage que sa flatterie l’amène à placer le roi
Louis XIV (ce roi soleil, idolâtre, narcissique et mégalomane) du côté des
sages et des défenseurs de la vérité. Mais c’est à ce prix que Molière devra sa
survie et sa notoriété.
Un
prophète lui, n’aurait rien changé, rien déplacé ni même une virgule au texte
initial. Un prophète n’a que faire de plaire au roi et aux hommes. Il n’est pas
en représentation. Il a choisi Dieu à sa
réussite sociale, et son sacrifice le démontre.
Quoi qu’il
en soit, ce qu’a fait Molière est une bonne chose, La preuve, Tartuffe est encore joué dans de
nombreux théâtres dans le monde entier et continue à remplir les salles.
L’avarice,
la convoitise, la vanité, ce sont les démons du tartuffe. Et ils sont la source
de tous les maux. Ça veut dire que notre
combat est bien là. Afficher ses convictions de foi, ce n’est pas afficher sans
cesse ses rites religieux, ou sa morale chrétienne. Mais s’est affiché un
comportement honnête et transparent lavé de toute hypocrisie. Nous devons avoir une foi engagée,
c’est-à-dire avoir une conduite où les compromis n’existent pas. Tenir son
engagement vis-vis de Dieu s’est refuser de manipuler ou d’être manipuler pour
aucune cause quel qu’elle soit, même si cette cause est pour le bien.
Amen
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