dimanche 8 janvier 2023

DIEU, en toute DISCRETION

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Par Eric Ruiz


Je vais vous parler aujourd’hui d’une chose que j’ai déjà évoquée, mais qui n’a pas fait l’objet d’un message, un trait de caractère important de notre Père céleste : c’est la discrétion.

Ah, on ne peut pas dire qu’il  s’adresse à nous d’une manière magistrale (comme il pourrait le faire d’ailleurs). Il ne se révèle pas comme un général devant son armée. Il vient se révéler à une personne en particulier, choisie, mise à l’écart dans un lieu à part ;

À Moïse, il lui dit seul à seul sur le Mont Sinaï : « Lorsque j’écarterai ma main, tu me verras par-derrière, mais mon visage ne pourra pas être vu. »(Exode 33 :23).

Cette particularité de se dévoiler caché, secret n’est pas unique, elle se retrouve bien-sûr chez son fils Jésus-Christ.

Contrairement à l’opinion la plus répandue, Jésus de Nazareth ne voulait pas qu’on le remarque spécialement.

  -Après avoir donné les clés du royaume à Pierre, Jésus «recommanda aux disciples de ne dire à personne qu'il était le Christ ».

  -Après le miracle de la transfiguration, Jésus commanda aux disciples : « Ne parlez à personne de cette vision ».

  -A un autre moment, Jésus demanda à ceux qui reçoivent un miracle de n’en parler à personne, de se rendre vers le sacrificateur, en toute discrétion ; où de prendre garde que personne ne le sache.

  -Dès qu’il y avait un mouvement de foule, et qu’il se sentait menacé, voilà Jésus, fuyait au milieu d’elle, plutôt que de l’affronter en manifestant son autorité et sa force.

  -Il s’asseyait pour parler plutôt que de monter sur un toit et de prêcher fort.

  -Il se tenait à l’extérieur des villes, dans des endroits déserts pour recevoir ceux qui le cherchent (Marc 1 :45) ;

  -Il nous demande d’aller seul dans notre chambre pour prier et là dans le secret, il nous affirme que Dieu le Père entendra notre besoin.

  -A la foule qui a été guérie «  il leur recommande sévèrement de ne pas le faire connaitre ».

  -Après la résurrection, il se présente à deux disciples sur le chemin d’Emmaüs, sans chercher à se faire remarquer par eux. Toujours la même discrétion en arrière-plan.

  -« Et quand des pharisiens demandent à Jésus quand viendrait le royaume de Dieu. Il leur répond: Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards ».

Eh oui, le royaume de Dieu n’attire pas l’attention, il passe le plus souvent inaperçu, sans se faire remarquer.

D’ailleurs c’est un immense quiproquo: parmi tous ceux qui le prêche, très peu le voit ou le connaisse.

De plus, Jésus faisait référence à Esaïe, prophète d’Israël pour confirmer sa position. Il citait les Écritures : Esaïe chapitre 42 

« Voici mon serviteur que je soutiendrai, mon élu en qui mon âme prend plaisir. J’ai mis mon esprit sur lui, il annoncera la justice aux nations. » Et là, on s’attend à lire la suite… qu’il annoncera la justice partout en la prêchant en étant accompagné de bruits de tonnerres,  d’acclamations, d’une effervescence généralisée, tout le monde le verra… Eh bien non, la suite de la prophétie dit : 

« Il ne criera point, il n'élèvera point la voix, Et ne la fera point entendre dans les rues. »

Dieu le Père, quand il envoie des anges nous réveiller, nous sortir de notre torpeur, il ne nous crie pas dessus. Nous n’entendons pas sa parole résonner et percer nos tympans. Non, il vient dans la douceur, dans une discrétion totale nous chuchoter à l’oreille, murmurer à notre cœur, susurrer ses intentions intérieurement.

Celui qui est à proximité de nous, ne sait généralement pas ce qui nous arrive.

Il voit nos yeux scintiller, nos larmes de tristesse couler pour être remplacées par celles de la joie, et tout ça, sans savoir d’où provient la source de toutes ces émotions.

Alors, quel contraste avec le prosélytisme de la religion. On hurle son nom dans les rues, on placarde des affiches, on inonde les boites aux lettres de tracts, on se signe, on se prosterne, on exalte sa foi à la télévision devant des millions de personnes, on se rassemble dans d’immenses stades pour annoncer sa justice, pour témoigner de ses miracles ; on porte des vêtements de paillettes, sous des projecteurs.

Que font-ils de Matthieu 6 :1 « Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour en être vus; » ?

D’un côté Dieu se révèle à nous, invisible, dans la plus intime des relations, pleine de discrétion, et de l’autre on le dévoile en plein jour dans l’agitation et le spectacle.

Mais Dieu s’offusque-t-il de ce que des croyants témoignent de lui dans une telle indiscrétion, dans un tel vacarme ? Est-il choqué par ces croyants transcendés et animés d’une agitation de tous leurs sens ?

Non, puisqu’il ne les reprend pas. Il les laisse faire à leur guise, car il sait que le mal fait une œuvre de justice, à son insu. Et étant prévenus, par Matthieu 6 :1, ils  n'auront point de récompense auprès de leur Père qui est dans les cieux.

Quand Jean, un de ses disciples, lui confessa qu’il avait arrêté un homme qui chassait les démons en son nom, Jésus rétorqua : «  Ne l'en empêchez pas, car il n'est personne qui, faisant un miracle en mon nom, puisse aussitôt après parler mal de moi. 40Qui n'est pas contre nous est pour nous » (Jean 9 :39-40)

Le fils de Dieu, alors, se fait-il duper lorsqu’on désobéit à ses recommandations ? Parce que beaucoup ont pris le contrepied de la discrétion ;

Marc 7 :36 : « Jésus leur recommanda de n'en parler à personne; mais plus il le leur recommanda, plus ils le publièrent ».

Publier, ici, signifie faire connaître en rendant public ; En grec, publier (Kerusso [Kay-roos’-so]) est le même mot que prêcher, proclamer l’Évangile publiquement. De quoi faire réfléchir !

Leur réaction n’est pas surprenante, elle est normale pour des êtres humains. Entrainés par leurs émotions, ils ne peuvent s’empêcher de répandre la bonne nouvelle de leur guérison, ou du miracle auquel ils ont été témoins.

Jésus, c’est vrai, les mets à l’épreuve en leur commandant de se taire.

Toutes ces personnes désobéissantes doivent prendre conscience de leur infidélité et si possible qu’ils en soient attristés, pour que cette tristesse les amène à la conversion.

Dans les faits, Dieu nous présente toujours deux chemins, deux portes, deux sortes de fruits à manger. Il nous laisse toujours faire nos choix et les assumer.

À chacun de choisir.

Choisissons-nous la porte de la discrétion ou celle de l’agitation ?

On s’agite dans les prêches, on y fait du bruit, car ils sont devenus des longs bavardages entrecoupés de chants et de louange.

Pour ma part, après avoir suivi ceux qui s’agitaient et qui me pressaient d’en faire autant, j’ai opté maintenant pour la voie de la discrétion.

Je le ressentais, en me forçant à  témoigner de ma foi à tout va, je vivais les choses à l’encontre de ma nouvelle nature.

On ne choisit pas son témoignage selon ses envies ou ses convictions.

Il ne s’agit pas ici d’un caractère naturel.

L’introverti choisirait la discrétion alors que l’extraverti, lui, opterait pour l’agitation.

Les deux ont tort. Les deux font en fonction de leur vieille nature.

L’esprit de Dieu, seul, influence en apportant la juste discrétion, lui seul accueille Dieu dans le respect.

L’écart avec ce qui est juste est comparable à cet exemple : C’est comme si nous enlevions nos chaussures pour pénétrer dans un lieu saint, alors que d’autres préfèrent y pénétrer en tapant des pieds avec leur godillots pour manifester leur sainteté et leur puissance.

Alors un fait est évident, la bonne nouvelle du salut se propage beaucoup plus par ceux qui transgressent les lois divines, que par les fidèles.

Plus Jésus se faisait discret, plus la foule se pressait pour le voir.

Les 4 cavaliers de l’Apocalypse sont la parfaite illustration de cette course au titre qu’est le salut.

Ceux qui veulent être saints par eux-mêmes sont persuadés que c’est une course de vitesse. Une course à la richesse, à la connaissance et à la gloire (c’est le sens du 666). Ils se disent en eux-mêmes : « Il faut vite être le premier, pour inspirer les autres à nous suivre ».

Et aujourd’hui les intentions n’ont pas changé, la réaction humaine est la même. Les prosélytes des Églises ont sonné de la trompette partout dans le monde.

Alors, je ne suis pas en train de plébisciter la fuite, la paresse ou l’inaction. Je dis que : tout concoure ensemble à annoncer la Bonne nouvelle, le bien comme le mal.

Dieu fait croitre ensemble le blé et l’ivraie dans le champ du monde. Il fait ainsi, pour que sa moisson soit meilleure.

Maintenant un Dieu discret pousse fatalement à beaucoup de perplexité de la part des païens.

S’il y avait un Dieu, se disent-ils, pourquoi ne le voit-on pas prendre une part active contre l’injustice du monde ?

Pourquoi ne se manifeste-t-il pas ouvertement ?

Dieu se laisse trouver, c’est vrai, mais si notre terre n’est pas travaillée, si elle n’a pas été suffisamment labourée en profondeur, la semence qui y tombera ne produira aucune pousse solide.

Dans le concret, si notre âme n’aspire pas de tout son être à un renouveau, la parole de Dieu ne produira rien en nous, l’eau ne pourra pas arroser nos racines.

L’effet spirituel sera alors désastreux.

Quel mauvais témoignage !

Le péché ne fera que se propager dans l’Église et ce péché-là sera passé sous silence, on souhaitera être très discret sur certaines pratiques plus que douteuses. Mais toute iniquité sera dévoilée en plein jour.

La corruption généralisée témoigne que la parole divine n’a pas pris racine dans le cœur des hommes.       

Le philosophe René Guénon dans son ouvrage sur « la crise du monde moderne » publié en 1927, affirme que nous sommes à la fin d’une ère, d’un cycle de ténèbres. Ce point de rupture qu’il observe est celui de la modernité. Cette modernité se révèle lorsqu’on identifie l’amélioration, à l’augmentation, le progrès à la quantité.

La quantité a remplacé la qualité. Le règne de la quantité dévoile les ténèbres.

N’est-ce pas là en quelques mots les traits de notre civilisation décadente ?

Pourquoi je vous dis cela ?

Eh bien parce que la discrétion ne fait pas vraiment recette avec la quantité. Quand on cherche le rendement, le chiffre, la rentabilité, la popularité, la célébrité, mais aussi quand on recherche la croissance, ou toute forme de richesses, comme Mammon, eh bien on préfère tout faire, sauf rester discret.

La quantité fait appel à tous les mécanismes multiplicateurs connus (publicité, publications nombreuses, communication de masse, annonces populaires la plus large possible, mais aussi convoiter les premières places, les premiers rôles, se placer dans la lumière).

La discrétion quant à elle est inconcevable, dans cette idéologie antichrist ; elle est même mise au pilori. On la rejettera violemment.

Dans les assemblées chrétiennes, discrétion rime avec faible investissement, petite foi, timoré, peureux, ou encore timide.

Les discrets, on les montre du doigt dans les sermons pour qu’ils se manifestent davantage, qu’ils s’expriment plus, qu’ils se voient plus, puisqu’un disciple de Christ est censé être la lumière du monde.

Toutefois on les mets en valeurs lorsqu’ils ouvrent leur porte-monnaie lorsqu’ils donnent leur dîme ou qu’ils mettent dans les collectes ou encore qu’ils participent à un grand mouvement humanitaire.

Là, leur foi est reconnue ;

C’est fou, comment d’un seul coup leur foi est devenue efficace.

Alors oui, la discrétion pour un homme ou une femme de foi c’est prendre des risques.

C’est en tous les cas prendre le risque de rester dans l’anonymat le plus complet, c’est risquer le doute, de se poser des questions sur l’efficacité de sa foi. C’est prendre le risque de se voir diminuer, mépriser et pour finir, rejeter par les autres croyants ;

Le mot « discrétion qui est apparu au XVIIème siècle, signifiait (et il a toujours ce sens aussi) « être à la merci de quelqu’un ».

Si nous prenons ce risque, c’est que nous avons choisi d’être à la merci de notre Père céleste.

Le latin « discretio » a le sens aussi de discernement. Prendre ce risque, c’est discerner que le choix de Dieu est le meilleur.

Par conséquent c’est choisir que c’est lui et lui-seul, Dieu, qui prend l’entière initiative de rendre populaire ou non notre piété.

Pour Jésus, qui ne cherchait pas à être populaire, sa renommée s’est faite malgré lui. D’autres ont arrosé ce qu’il avait semé. D’autres se sont précipités sur leur shofar pour faire du bruit et proclamer tout le bien qu’ils avaient reçu ou pour avertir le monde de l’imposture de Jésus.

Quant au fils de Dieu, son investissement visait surtout la qualité, la personne, son cœur, ses intentions,  l’intimité qu’elle a ou pas avec son Père.

Alors que désirons-nous ? Être un aveugle qui conduit un autre aveugle ou devenir ce disciple accompli qui sera comme son maître, animé par une sainte discrétion ?

Amen

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