lundi 11 juillet 2022

L’ESCLAVAGE DANS LE CORPS DE CHRIST, PERVERSION ou VERTU?

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Par Eric Ruiz


Quel temps nous vivons ! Il s’exerce une course folle contre toute forme de discrimination …alors que dire de l’esclavage ?


Se sentir esclave de quelqu’un ou de quelque chose : c’est devenu insupportable.

« Nous devons absolument ne dépendre de rien ni de personne ». C’est une loi que revendique tout adulte et par surcroit tout adolescent qui se réclame déjà adulte.

La liberté est l’étendard républicain que l’on hisse au plus haut niveau.

Il n’est pas rare d’entendre en réponse à une simple demande de service : « je ne suis pas ton esclave, je le ferai si je veux ; et puis tu peux l’faire toi-même, t’es assez grand et autonome ».

Or, il n’est pas nécessaire d’avoir un grand discernement intellectuel pour s’apercevoir que notre siècle est le siècle de l’esclavage.

Sans refaire le procès de l’être humain charnel qui obéit à toutes ses passions aveuglément, nous sommes en plus devenus à notre insu, les esclaves de notre propre mode de vie à l’occidental. Les parents sont les esclaves de leurs enfants, ils sont esclaves de leur travail, de leur mode de transport, esclaves de leur smartphone etc.

Bien entendu, ce genre d’esclavage est différent de l’esclavage d’autrefois.

Mais l’esclavage antique était-il plus oppressant et asservissant que celui que nous connaissons de nos jours ?

Car aujourd’hui l’esclavage se fait à très grande échelle par le conditionnement ; c’est la pensée qui est prisonnière ; c’est l’esprit des citoyens, qu’un gouvernement cherche à rendre esclave et soumis.

 

Faisons un saut dans le passé, au premier siècle, au temps de Jésus-Christ. L’esclavage s’y pratiquait de façon réelle et permanente.

Elle avait deux formes : l’esclave domestique (dans les villes) ou l’esclave agraire (dans les campagnes).

Quel que soit l’activité, l’esclave antique vivait le plus souvent avec la famille de ses maitres ; la famille romaine, grecque comme juive aussi.

Et même s’il n’avait pas les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres membres, la discrimination qui s’exerçait à son égard ne le poussait pas forcément à l’indignation.

Le fouet pour le maitre, les chaines pour l’esclave sont des symboles forts qui ont marqué les esprits.

Pourtant, ici, peu d’esclaves se rebellaient et cherchaient à tout prix à s’émanciper et à s’insurger.

Beaucoup travaillaient sans être pour autant humiliés, dans l’espoir de mettre de côté assez d’argent pour qu’un jour, ils puissent racheter leur liberté.

Mais liberté acquise ne rimait pas forcément avec exil.

Ce n’était pas rare pour un esclave, une fois affranchi de garder son travail et de passer de serviteur à employé, tout comme le maitre devenir son patron.

Et allons plus loin, les croyants en Christ, avaient aussi leurs esclaves, leurs serviteurs qui vivaient chez eux.

Et eux, croyants pouvaient même se retrouver dans une position d’esclave.

Les premières Églises de maisons étaient ainsi constituées (je vous renvoie au livre de l’historienne Marie Françoise Baslez : « L’Église à la maison - Histoire des premières communautés chrétiennes Ier- IIIè siècle, ouvrage très intéressant au niveau historique).

 

Alors, Jésus-Christ est-il venu mettre un coup de pieds dans cette injustice sociale ?

Lui, qui pointait du doigt les offenses ou les mensonges des religieux, s’est-il offusqué du statut des esclaves ?

 

Quand il dit : « Je suis venu mettre la division…l’homme aura pour ennemi les gens de sa maison »( Matthieu 10 :36), les gens de maison étaient les esclaves domestiques de l’époque. Jésus nous montre bien que les domestiques d’un homme (traduction Martin) se rebelleront.

Mais attention, cette rébellion se fera là où l’injustice régnait ; car Jésus n’a absolument rien fait pour abolir l’esclavage.

 

Il a même sous-entendu que celui qui endossait le manteau de la foi  restait naturellement dans la position sociale dans laquelle il se trouvait.

D’ailleurs, Paul le rappelle aux Corinthiens (1 Corinthiens 7 :20-24) :

«  20Que chacun demeure dans l'état où il était lorsqu'il a été appelé.
21As-tu été appelé étant esclave, ne t'en inquiète pas; mais si tu peux devenir libre, profites-en plutôt. 22Car l'esclave qui a été appelé dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur; de même, l'homme libre qui a été appelé est un esclave de Christ. 23Vous avez été rachetés à un grand prix; ne devenez pas esclaves des hommes. 24Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l'état où il était lorsqu'il a été appelé. »

Cela peut paraître choquant mais Dieu se moque totalement de la condition dans laquelle vous vous trouver. Elle n’a aucune importance à ses yeux.

Que tu sois libre, maitre ou esclave peu importe, tu dois demeurer dans cet état.

Même le maitre, sous principe qu’il devient serviteur de Christ, ne doit pas pour autant affranchir ses serviteurs, ni les renvoyer. Il peut le faire bien-sûr, mais cela ne regarde que lui.

Le statut d’esclave est loin d’être dévalorisé et méprisé par Jésus-Christ.

Bien au contraire. Il s’en sert pour montrer que celui qui veut être plus important que l’autre devienne son serviteur, son esclave (Jean 8-34).

C’est une position d’humilité.

 

Mais Jésus insiste aussi sur un autre point, l’esclave ne possède rien. Il n’hérite de rien, ni titres, ni terres, ni biens, ni propriété. Il travaille pour son maitre et pour sa liberté, point.

Et cette position-là n’est pas à mépriser, bien au contraire. Elle doit faire prendre conscience que tout être humain est dans cette position sur terre : déshérité de tout ;

Et que la recherche de la vérité n’est pas dans l’acquisition.

 

Mais le statut d’esclave révèle les cœurs.

Il rebute l’esprit religieux qui jouit déjà d’une position de maitre. Il a dans le cœur un mépris pour l’esclave, pour le service aux autres.

C’est vrai que les fêtes religieuses juives insistent sur la mémoire. Elles  renvoient au temps de la servitude de leurs ancêtres en Égypte.

Mais n’est-ce pas pour qu’ils apprécient davantage l’héritage…cet héritage qu’ils auront seulement en obéissant à Dieu ?

Je vous choque peut-être, mais la cohabitation entre maitres et esclaves pour Christ fait naitre des vertus de caractère. Elle apprend la piété.

Un croyant en Christ, s’il est maitre cherche à être juste, plutôt qu’à vexer ou à menacer son serviteur « Maîtres, accordez à vos serviteurs (esclaves) ce qui est juste et équitable, sachant que vous aussi vous avez un maître dans le ciel » (Colossiens 4 :1).

Dans les faits, la justice de Dieu doit inspirer le maitre à agir comme s’il était lui aussi esclave.

Dans la pratique, il doit se comporter comme si lui aussi n’a rien à lui. Que rien ne lui appartient. Et si rien ne lui appartient, l’esclave non plus, ne lui doit rien.

Si l’esclave, alors, réclame sa liberté eh bien un bon disciple de Christ la lui donne, où il lui permet de l’acquérir à bas prix, selon ses possibilités, ce qui est juste.

De la même façon, un esclave, s’il se tourne vers Christ doit se comporter avec respect, bienveillance envers son maitre, à courber le dos plutôt qu’à relever la tête ; il doit voir son maitre avec compassion comme un prisonnier et un esclave, qui lui aussi a besoin de liberté.

Or, pourquoi l’apôtre Paul est-il obligé de rappeler ce qu’est un esclave soumis à Dieu ?

N’est-il pas en train de dire que les esclaves saints se comportent pire qu’avant, et qu’ils sont devenus des serviteurs jaloux de leur maitre ?

Dans l’épître aux Éphésiens, Paul dit : » Serviteurs, (esclaves) obéissez à vos maîtres selon la chair, avec crainte et tremblement, dans la simplicité de votre cœur, comme à Christ, Servez-les avec empressement, comme servant le Seigneur et non des hommes, 8sachant que chacun, soit esclave, soit libre, recevra du Seigneur selon ce qu'il aura fait de bien. »( Éphésiens 6 :5).

Vous me direz mais quelle est la relation avec ce que vit un disciple de Christ en France par exemple au XXIème siècle, où l’esclavage a été aboli depuis bien longtemps?

Le parallèle saute aux yeux.

D’abord comme l’affirme Jésus-Christ, nous sommes tous esclaves et privés de la gloire de Dieu.

Mais, plus que le corps, c’est l’esprit qui est rendu esclave et c’est l’esprit qui doit-être libre ou libéré ; Aujourd’hui même si nos corps sont libres d’action comment sont nos esprits ? Car c’est la vérité qui nous rend véritablement libre, c’est elle qui nous affranchit (Jean 8 :32).

Or, celui qui s’endurcit et qui s’éloigne de la vérité, s’assujetti à l’esprit du mal.

Il se comporte comme un maitre vis-à-vis des autres. Un maitre sans scrupule, qui compte ce qu’il possède, qui prend plaisir à ce qu’il a acquis matériellement. Il est autoritaire avec ceux qu’il enseigne.

Il aime être servi. Il distingue toujours deux groupes : les serviteurs et les maitres.

Dans son cœur, il est comme ces judéens qui répondirent à Jésus :

« Nous sommes la postérité d’Abraham, nous n’avons jamais été esclaves de personne. Comment peux-tu dire : « Vous serez des hommes libres ? » (Jean 8 :33 Bible Semeur).

Les juifs disaient à Jésus « nous n’avons pas besoin de ta liberté nous l’avons déjà acquise par héritage ».

Le chrétien est comme le juif, il se croit libre parce qu’il est chrétien et fils d’Abraham.

Or, ce n’est pas ce que dit Jésus. Notre Seigneur met une différence nette : C’est l’esprit qui nous guide, qui nous rend libre.

C’est la vérité qui nous affranchira et non notre situation sociale ou religieuse. Car cet héritage-là provient de la terre et non du ciel.

Et la liberté céleste ne consiste pas à abolir soi-même toute distance sociale sous prétexte qu’esclave et maitre peuvent devenir frère.

Dans les premières églises de maisons, Tite comme Paul (dans ses lettres à Timothée) exhortaient les frères esclaves a plus de soumission, d’honneur et moins de mépris vis-à-vis de leur maitres chrétiens (1 Timothée 6 :1-2 ; Tite 2 :9).

Preuve que l’esprit diabolique aime brouiller et salir la notion de liberté en Christ.

Et la rébellion des gens de maison, n’est pas forcément juste. L’esclave qui n’était pas chrétien montrait une soumission supérieure à son maitre, il avait de la crainte ;

Alors que le fait de devenir chrétien (disons-le) a amené beaucoup de croyants à se donner de nouveaux droits et à contredire sans cesse leur maitre (Tite 2 :9).

Tous, (loin de là) n’ont pas été comme l’esclave Onésime, que Paul a rencontré et qu’il recommande à Philémon comme un frère dont la foi est exemplaire. Voilà d’ailleurs ce qu’il écrit au sujet d’Onésime :

« Si donc tu me considères comme ton ami, reçois-le comme si c'était moi-même. S'il t'a causé du tort, ou s'il te doit quelque chose, mets cela sur mon compte. ».

Onésime n’est plus esclave des hommes, il a comme Paul, un esprit libre, c’est un vrai esclave de christ.

Maintenant, il existait durant les premiers siècles une forme d’esclavage dite : « esclavage volontaire ».

Certains n’hésitaient pas à se vendre pour échapper à la pauvreté, à l’indigence ou pour acquérir des compétences techniques, professionnelles, ou encore espérer faire carrière dans une maison honorable.

Je ne peux alors m’empêcher de faire le parallèle avec ce que les assemblées chrétiennes offrent de nos jours.

Elles proposent elles aussi une forme d’esclavage volontaire.

Sous couvert de la liberté en Christ, elles attirent les démunis et ceux aussi qui y trouveront des moyens de développer et d’exprimer des compétences ; par exemple :

Pour certains ; des compétences d’orateurs, pour d’autres de musiciens, de choristes, pour d’autres encore d’informaticiens, de rédacteurs ou encore des hommes ou femmes à tout faire.

Beaucoup y trouveront chaussure à leurs pieds, comme moi-même, j’y ai d’ailleurs développé des compétences de batteurs.

Ils accepteront une servitude, des obligations en y voyant un don de soi salutaire ; une abnégation juste et vraie.

Pourquoi je vous dis tout cela ? Ce n’est pas pour dénoncer l’asservissement que suscitent les églises ; mais plutôt pour y voir une forme de vertu qui s’y développe.

 

L’esclavage volontaire est vertueux.

 

Le premier qui s’est rendu esclave pour nous est bien Jésus de Nazareth. « moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Luc 22 :27).

Le fils de l’homme a montré une voie d’amour par excellence : le service.

Il les a servis comme si eux (ses disciples) étaient ses maitres. Il les a édifiés. Il leur a montré comment devenir abondant. Il leur a lavé les pieds. Il les a traités dignement et avec compassion. Il était le berger qui donne sa vie pour ses brebis.

Alors le vrai maitre comme le vrai esclave accompli se voit dans le service.

Ils se servent l’un et l’autre, mutuellement comme deux esclaves.

C’est le prolongement de ce que Jésus disait : « vous êtes tous frères, ne vous faites pas appeler maître, rabbi »

 Par conséquent,  parmi des disciples accomplis on ne distingue plus le maitre de l’esclave, puisque tous deux servent de la même manière.

La boucle est bouclée en Christ, la liberté fait qu’il n’y a plus ni esclave ni maitre, ni juif ni grec.

Remarquez, une chose essentielle : on ne devient pas esclave pour devenir maitre.

Dieu ne veut pas des maitres. Certes, serviteur de Dieu est la première étape. Mais l’étape suivante est celle d’ami de Dieu.

« Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai appris de mon Père. » (Jean 15 :15)

 

L’ami de Dieu en portant du fruit, en persévérant est adopté par le Seigneur. Pour une chose précise : qu’il soit membre de sa famille pour hériter de tout ce qu’il possède.

Alors cesserons-nous d’être esclave de Dieu, au final ?

Ce n’est pas parce Christ ne nous appelle plus serviteurs que nous ne servons plus.

Il nous fait connaître ce qu’il a appris de son père et entre autre : que cette position d’esclave n’est pas amenée à disparaitre, car c’est un fondement.

Et ce fondement marche avec l’amour divin. Le service ne cessera jamais. Nous serons à jamais sacrificateurs de Dieu.

L’esclavage qui cessera c’est celui qui nait avec l’affirmation de notre volonté. Seule notre soumission est la condition de notre liberté.

La vraie relation entre disciple est VOLONTAIREMENT d’être serviteur les uns des autres. Sans cette relation juste, aucune vraie Église ne peut et ne pourra subsister.

Amen

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