dimanche 24 novembre 2019

POURQUOI JÉSUS A-T-IL EU UNE GRANDE FAIBLESSE A GETHSÉMANÉ ?

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Par Eric Ruiz

« Jésus leur dit alors: Mon âme est triste jusqu'à la mort; restez ici, et veillez avec moi.
Puis, ayant fait quelques pas en avant, il se jeta sur sa face, et pria ainsi: Mon Père, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux » (Matthieu 26:38-39).

Que s’est-il vraiment passé dans ce jardin de Gethsémané ?

Quoi penser d'une telle prière de Jésus : « Mon Père, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi! »?

Ce verset 39, que l’on retrouve quasi à l’identique dans les trois Évangiles (Matthieu, Marc et Luc) met très souvent mal à l'aise les croyants.

Jésus vient de reprendre Pierre qui lui dit qu'il ne le reniera jamais (tout comme tous les disciples d'ailleurs qui confessent la même chose), alors qu'au chant du coq Pierre le reniera trois fois ; et là, la foi de Jésus semble vraiment défaillir.

Qui parle à travers sa bouche, lorsqu’il supplie que l'épreuve soit autre, car elle est si difficile qu'il prie que ce moment lui soit épargné?
Est-ce : le découragement ? La peur ? Sa chair? Les démons? Le diable ?

Même dans l’Evangile de Jean, où Gethsémané n’est pas mentionné, le fils de l’homme arrivé à Jérusalem pour la Pâques, dira : « Maintenant mon âme est troublée. Et que dirai-je?... Père, délivre-moi de cette heure?... Mais c'est pour cela que je suis venu jusqu'à cette heure. Père, glorifie ton nom! Et une voix vint du ciel: Je l'ai glorifié, et je le glorifierai encore » (Jean 12 :27-28)

Jésus fils de Dieu né du Père peut-il se laisser influencer par les démons ?
Jésus, homme parfait peut-il se laisser à écouter sa chair ?
Enfin, il apparaît plus plausible que le découragement soit son principal mobile puisque il reproche à ses disciples de ne pas avoir pu veiller et prier avec lui…alors ?

On aurait aimé que Jésus se taise ou qu’il s’isole beaucoup plus, pour ne pas montrer ce moment de faiblesse.
Oh non pas lui ! il ne peut pas avoir une crise d’angoisse, un tel abattement !
Comment son âme peut-elle être troublée à ce point ?
On ne l’a jamais connu ainsi.
Lui, si fort dans les tempêtes qu’il apaise ; lui, si intransigeant face aux démons qu’ils chassent ; lui, si impressionnant face aux mauvais esprits qu’ils dévoilent et qu’il anéantit, enfin, lui, qui ressuscite les morts…

D’autres attribuent l’angoisse de son combat à une agonie amenant à la mort.
Certains théologiens se basent sur le passage de Luc 22 :44, pour confirmer ce combat contre la mort ; car c’est le mot agonie qui est employé. « Etant en agonie, il priait plus instamment, ».

Pourtant, le mot « agonia » empreinté au grec n’a pris le sens de « combat contre la mort » dans notre vocabulaire que vers le 18ème siècle, pas avant.
Sa signification de base est lutte, combat, effort, en vue de remporter une compétition.
Le Grand Larousse précise que l’agonie décrivait « l'émotion et l'angoisse des lutteurs avant le combat ».
Donc notre Seigneur n’a jamais lutté avec la mort ou avec satan dans le but d’échapper à la mort.
Sa sueur qui ressemblait à des grumeaux de sang ce n’était qu’une métaphore et non le signe d’une hémorragie. L’ange qui le fortifia, ne fit aucun miracle dans son corps, c’est l’esprit qui le vivifia. Son heure n’était pas encore venue, c’était un autre combat qu’il menait-là.
Alors le combat de Jésus était orienté contre qui, contre quoi ?

D’abord, la gloire de Dieu se manifeste dans la faiblesse.

Paul le disait : « Ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi… C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses dans les détresses, pour Christ; car, quand je suis faible, c'est alors que je suis fort. »
Jésus ne fait pas que de le dire aux autres, IL L’A VIT, la faiblesse lui-aussi.

Car, Jésus-Christ était parfaitement Dieu et aussi parfaitement homme.
Parfaitement homme avec les conséquences négatives que cela comportent (la chair est faible).

Nous, croyants en Christ, nous ne devons pas voir la chair comme un fardeau ou une malédiction.
Nous devons la voir comme Christ l’a voit : c’est une offrande. C’est ce que nous devons offrir en cadeau.
La chair sert à être mise sur l’autel des sacrifices, elle est destinée à être brûlée comme un cadeau offert, un sacrifice de bonne odeur.
Ce n’est pas les cendres du corps qui plaisent à Dieu mais l’odeur qui émane de son sacrifice. Cette odeur qui ne se voit pas et qui est cachée (comme beaucoup de vérités).

Paul dans la lettre aux Philippiens parle « d’un parfum de bon odeur, un sacrifice, une offrande que Dieu accepte et qui lui est agréable. »

Cette chair (Yeqeb en hébreu) avait le nom de pressoir, de cuve dans le Pentateuque.
Une cuve où l’on récoltait les fruits des vendanges pour les presser et en sortir le jus.
Nombres 18 :29-30 « Sur tous les dons qui vous seront faits, vous prélèverez toutes les offrandes pour l'Eternel; sur tout ce qu'il y aura de meilleur, vous prélèverez la portion consacrée. Quand vous en aurez prélevé le meilleur, la dîme sera comptée aux Lévites comme le revenu de l'aire et comme le revenu de la cuve ».

Notre vraie consécration, ce qu’il y a de meilleure, notre vrai don, notre vraie dîme est là ; l’offrande par excellence se trouve dans « le revenu de notre cuve », ou si vous préférez en langage courant : ce que produit un corps consacré.
Bien-sûr ce n’est pas le raisin, qui est prélevé chez nous, mais le fruit de l’Esprit (l’amour, la bienveillance, la patience, la bonté, la fidélité, sans oublier la joie…) ce fruit émane de notre corps qui à ce moment-là est spirituellement mort, consumé.
Il est important d’insister : l’offrande de la dîme c’est cela, c’est beaucoup plus que l’or et l’argent d’ailleurs.
Le culte agréable à Dieu, la fête des tabernacles (des tentes,  donc des corps, puisque nos corps sont des tentes) c’est de recueillir le produit du pressoir (ou de la cuve) ; Deutéronome 16 :13.
La fête des tabernacles c’est pour un croyant en Christ : nos corps offerts en sacrifice (Romains 12 :1) ;
Ce n’est pas rien.
Faire les vendanges demande de faire de gros efforts pour récolter les raisins puis de les faire passer au pressoir ; la similitude est tellement proche avec ce travail pénible et long à faire pour consumer nos désirs et nos passions.

Maintenant, je crois qu'il ne faut jamais quitter des yeux le fait que Jésus enseigne par ses paroles, par son attitude, par son comportement et aussi par le contexte ; et donc rien n’est à prendre à la légère.
« Toute Ecriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, »
Quand Jésus se reprend, en disant "Père non pas ce que je veux, mais ce que tu veux" Jésus nous dévoile ici une vérité : Sa première prière n'est pas inspirée par le Père.
Ne montre-t-il pas (pour reprendre l’exemple de la cuve) que le vendangeur foule le fruit dans le pressoir avec tristesse et angoisse ? Alors qu’il devrait chanter et être dans la joie et l’allégresse 
Le fruit de l’esprit n’est-il pas la joie ?
Alors de qui émane-t-elle, cette prière, triste et pleine d’angoisse?

Eh bien, satan était sur le point de le faire fléchir en lui insufflant une pensée très égoïste. Il y a un terrible combat en Jésus à ce moment-là.
Regardez le contexte: Jésus était séparé de ses disciples, qui l’avaient quitté pour dormir, le laissant seul à prier dans le jardin de Gethsémané.
Gethsémané veut dire « pressoir à huile » (rappelez-vous le revenu du pressoir, n’est-ce pas l’huile ?).

Alors Jésus, le temps d'un instant perdit le but de sa venue sur terre : Donner sa vie pour ses brebis, se sacrifier pour les siens.

Il était tenté, il allait pécher en manquant le but, en regardant à lui.
Sa chair humaine réclamait ses droits, de l'attention, plus d’égard, beaucoup plus d'amour, elle ne voulait pas servir d’offrande.

En confessant « Père éloigne de moi cette coupe », Jésus devient comme obnubilé et même effrayé par la mort qu’il allait subir (Marc 14 :33).
Il ne pensa à ce moment-là qu'a lui, qu’à cette souffrance qu'il endurait déjà est qui dépasse ce que la chair peut supporter.
L’angoisse l’avait saisi, à tel point que de la sueur semblable à des grumeaux de sang sortaient de sa peau (des grosses gouttes de sueur).
Il y a ici, une guerre ; et Pierre dans sa première épitre l’annonce clairement : « abstenez-vous des convoitises charnelles qui font la guerre à l'âme ». (1 Pierre 2 :11)

Jésus, lui, ne pécha pas, non, parce qu'il fut repris aussitôt dans son cœur.
Mais le premier commandement satanique sifflait terriblement fort dans ses oreilles.
Il ne lui disait pas : «  Tu aimeras ton Dieu de toutes tes forces… » Mais il lui souffletait…
Tu t'aimeras toi, comme on aime un Dieu de toute tes forces de tout ton cœur de toute ton âme"  de même ce n’était pas : " tu aimeras ton prochain comme toi-même mais " Tu t'aimeras toi-même pour que ton prochain t'aime "
Voilà les commandements sataniques.
S'aimer soi-même, s’adorer soi-même ; passer en premier avant les autres.
Les autres passent au second plan.

L'enseignement à retirer de ce passage, c'est que… dès que nous perdons de vue notre rôle, notre fonction principale de sacrificateur,  celui de se sacrifier pour les autres, d’aimer notre prochain, nos frères, nos sœurs…eh bien, par cette tentation, nous nous mettons en danger.
Le danger est alors de penser à soi avant les autres ou encore de penser aux autres, mais pour soi-même.

Les disciples eux, s’étaient assoupis, ils subissaient la loi de leur chair qui réclamait du repos. Ils ne voyaient pas le besoin de Jésus et ils sous-estimaient l’importance de rester éveillés pour prier avec lui ; Alors que veiller et prier ensemble avec Jésus aurait amoindri sa chair et il n’aurait pas été aussi faible et tenté aussi fort. (Marc 14 :38)

D’où l’importance de prier ensemble dans les moments difficiles, non pas parce Dieu est sourd ou qu’il ne réagit qu’à partir d’un certain nombre d’intercesseurs…non, parce que notre chair a de la puissance et que nous sommes une armée de sacrificateurs, qui a la puissance de faire plier cette chair en nous associant au corps de Christ.

Maintenant, il y a encore autre chose dans ce contexte lié à la passion de Jésus.
Tout d’abord : ne soyons pas idolâtres : Jésus, le Fils de Dieu a vu, en lui-même, de l’ivraie poussé.
Il a été tenté parce qu’il a été attiré et amorcé par la convoitise, c’est ce que nous dit Jacques dans son épître. Mais attention, Lui, le second Adam n’a pas failli à cette tentation (il a arraché l’ivraie, il a désamorcé la convoitise dès son apparition, sans la consommer, donc sans péché).

Mais il y a une autre chose encore : c’est que Jésus, paradoxalement, nous montre ce qu'est la perfection à partir de sa prière dans le jardin de Gethsémané.
La perfection n'est pas du tout dans l'infaillibilité ou l'absence de souffrance.
Jésus, c'est vrai, semble faire une erreur en dévoilant une faiblesse, un découragement, une souffrance mentale, un abattement.
Mais en fait il montre la plus grande force qui soit: la perfection.

Paul Valéry disait : «  La faiblesse de la force est de ne croire qu’à la force ».

Dans ce Jardin de Gethsémané appelé « pressoir à huile », Jésus dans cet endroit souhaite nous montrer comment on devient fort, par la faiblesse ; et c’est en produisant de l’huile qu’on devient fort. Alors, comment augmenter sa réserve d’huile en pressant fortement les fruits, les olives pour que l’huile en sorte ?

Goethe, le célèbre écrivain allemand du 18ème siècle n’avait pas vraiment tort lui aussi, lorsqu’il écrivit : « celui qui reconnait consciemment ses limites est le plus proche de la perfection ».
La perfection ce n'est pas d’avoir un sentiment d’illimité, ou d’avoir une force surhumaine ou de ne faire aucune erreur ou encore, d’échapper à la souffrance par la prière ;

La perfection, c'est de confesser sa limitation, sa faiblesse,  et donc dire le mal (le mal : c’est de vouloir éloigner nos épreuves, la coupe de souffrance que nous devons boire).

La perfection, c'est de confesser même le combat que nous menons entre la chair et l’esprit ; et la victoire de l'Esprit sur la chair : c’est de s’en remettre totalement entre les mains du Père.

Nous devons montrer nos limites, nos faiblesses, nos incapacités du moment, puis nous en remettre à notre Père céleste et à sa volonté.

Jésus est à bout à Gethsémané, il est pressé comme un fruit dans la cuve du pressoir pour en sortir le jus qu’il y a à l’intérieur : l’huile ; et là, s’est parce qu’il est comme écrasé que la perfection en sort : il confesse aussitôt, la volonté d'obéir au Père.

Loin de succomber à la souffrance, il montre sa maturité, son accomplissement total.
Il répétera par trois fois la même prière comme pour montrer son unité avec l’esprit et le Père, comme un accomplissement divin total, comme trois flèches meurtrières tirées sur sa chair.
Et cela lui valut d’être aidé par son Père au moyen d'un ange qui le fortifia (Luc 22:43).

Pour nous qui péchons par la chair, nous devenons parfait en confessant le mal dès son arrivée à notre conscience, pour que Jésus-Christ nous purifie en retour (1Jean 1:9) ;

Voilà comment augmenter sa réserve d’huile :
Ne pas avoir peur du mal, le chasser, revient :
1-à le voir, puis
2- à le dire et enfin
3- à affirmer notre soumission à Dieu.
Laver sa robe d'Epouse se trouve bien dans cette attitude.

La bonne nouvelle, c’est que « Aucune tentation ne vous est survenue qui n'ait été humaine, et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces; mais avec la tentation il préparera aussi le moyen d'en sortir, afin que vous puissiez la supporter. » (1 Corinthiens 10 :13).

Dans le Jardin, Jésus lui-même a été tenté, mais pas au-delà de ses forces.
Un ange est venu le fortifier, c’est là le moyen que le Père avait préparé pour lui. L’ange est venu rajouter une onction supplémentaire à Jésus ; Eh bien c’est la même chose pour nous : il vient de même rajouter l’huile à l’huile que nous avons déjà acquise par l’offrande de notre chair.
Cette huile angélique rajoutée à notre offrande, c’est la réserve indispensable qu’ont « les vierges sages » lorsque l’Epoux vient les chercher pour aller aux noces de l’agneau. Voilà comment veiller en l’attendant (parabole des 10 vierges de Matthieu 25).

Pour finir je reviendrais sur le nombre 19 et les limites que nous nous fixons et qui sont des frontières souvent inconscientes.
Nos tentations et la manière dont nous les gérons déterminent nos limites et nos frontières.
Galates 5 :19 : « Les œuvres de la chair (l’égo, l’égoïsme) sont manifestes, (révélées, elles sont reconnues, mises en lumière) ».
En Christ les limites n’existent plus, à peine vues elles disparaissent ; alors que si notre chair domine en nous, les limites, les frontières apparaissent de toutes parts. Le sentiment de peur, celui d’angoisse,  prend le pas sur le lâcher prise et la soumission à notre Père.

Sachons reconnaître nos limitations, car elles viennent nous aider à ouvrir les yeux sur notre état.
Sommes-nous réellement sous la grâce et dans la paix  (vierges sages)? Ou bien sommes-nous sous une loi rigide et enfermés dans des principes angoissants (vierges folles) ?
Ouvrons les yeux sur nos vraies limites et brûlons ce qu’elles nous montrent, et présentons-le en offrande.
Amen.

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