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Par Eric Ruiz
Nous êtres humains, nous sommes sensibles à
l’attention des autres quand nous souffrons.
Job, au plus bas de son épreuve, revendique
avoir droit lui-aussi à la compassion :
« Celui qui souffre à le droit à la compassion de son ami ».
Mais un autre mot est très souvent employé de
nos jours : « l’empathie ».
D’abord ce mot est assez récent dans le
vocabulaire français. On ne l’emploie qu’à partir du XXème siècle. Il est
arrivé avec une nouvelle discipline scientifique qu’est la psychologie.
Mais ce mot est intéressant car il montre un
trait de caractère de Christ.
L’empathie signifie : « Avoir
la capacité de s'identifier à autrui, d'éprouver ce qu'il éprouve. »
Il a remplacé le mot compassion.
Ce n’est pas anodin, puisque le dieu de ce monde est la science ; et remplacer un très vieux mot à connotation spirituelle par un mot scientifique montre à qui on veut soumettre l’homme.
Mais, l’homme du XXIème siècle aime ce qui est superficiel ;
alors là aussi, le regard superficiel s’attache aux actes superficiels et peu
profonds.
Parce que l’empathie n’exprime pas forcément quelque chose de
concret. On reste au niveau du ressenti, de l’émotion.
Face à une personne atteinte d’une maladie, je peux ressentir sa douleur, comprendre le mal qui la touche, mais les choses en restent là. Cela m’émeut, je peux m’imaginer son désarroi et voilà.
La compassion, elle, va beaucoup plus loin, elle fait
partager les maux et les souffrances d’autrui.
Elle pousse à agir, à manifester des actes de bienveillance envers l’autre.
Prenons Jésus de Nazareth, lorsqu’il fut « ému de
compassion ».
Il eut de l’empathie d’abord ; il ressentit l’abattement
de la foule, il ressentit ce que peut être une âme languissante. Puis, il fut
comme plongé dans la peau de quelqu’un qui erre sans berger ; il se représenta ce qu’une brebis égarée doit
surmonter.
Mais il ne s’arrêta pas à cette première étape émotionnelle
ou de prise de conscience ; sa
compassion l’amena à prendre des décisions.
« Voyant la foule il fut ému de compassion …Alors il dit à ses disciples: La
moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers. Priez
donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans
sa moisson. Puis, ayant appelé ses douze disciples,
il leur donna le pouvoir de chasser les esprits impurs, et de guérir
toute maladie et toute infirmité. ».
Vous voyez, l’émotion du départ à fait appel à l’action,
celle d’alerter d’abord, de prier ensuite et enfin de transmettre un pouvoir
pour chasser les démons et pour guérir.
Avez-vous remarqué dans les Évangiles, à chaque fois que
Jésus parle de compassion, ou qu’il a compassion, une action directe s’en suit.
« Emu de compassion, le maître de ce
serviteur le laissa aller, et lui remit la dette. » (Mathieu 18 :27)
« Emu de compassion, Jésus toucha leurs
yeux; et aussitôt ils recouvrèrent la vue, et le suivirent. »(Matthieu
20 :34)
« Jésus, ému de compassion, étendit la
main, le toucha, et dit: Je le veux, sois pur. » (Marc 1 :41)
Le Dieu (de ce qui a été nommé Ancien Testament) a
exactement la même compassion.
Alors que les enfants d’Israël, gémissaient et poussaient
des cris de souffrance pendant leur esclavage en Égypte, nous lisons que Dieu
entendit leurs gémissements et que se rappelant de son alliance, avec eux, il
eut compassion.
Quelles actions a-t-il généré alors ?
Exode chapitre 3 nous dit : qu’il appela Moïse du
buisson en feu pour le missionner à être le libérateur du peuple Hébreu. L’Éternel
Dieu l’a formé à se joindre à ce peuple en quittant son statut privilégié
auprès de Pharaon pour prendre le même statut que celui de l’esclave Hébreu.
Nous voyons jusqu’où va l’accompagnement dans la
compassion : sacrifier sa condition pour prendre celle l’autre.
Le mot « Compassion » a des racines latines qui
signifient « souffrir avec » et non
pas « souffrir pour ».
Il y a un accompagnement dans la compassion. On prend la main
de la personne qui souffre, qui supplie, qui se languis, qui crie, pour
l’emmener à un autre endroit, vers un lieu différent.
Or l’empathie n’est que la première étape. Et c’est à cette
étape que malheureusement beaucoup s’identifient et s’arrêtent.
On ressent ce que l’autre ressent et puis on s’arrête là, satisfait
d’éprouver de l’amour ;
Ou on s’arrête à un acte qui coûte peu ; On donne
quelques pièces d’argent, ou une petite tape dans le dos, ou quelques mots
d’encouragements et puis c’est tout.
On dit à l’autre qu’on compatit pour elle. Mais en fait c’est
faux ; on ne
compatit pas… puisqu’il n’y a pas d’accompagnement, on ne souffre pas avec elle.
Dans un acte, il y a toujours un intéressement.
Avec la compassion, l’intérêt c’est l’autre, c’est
d’abord, en premier l’autre.
Alors qu’avec l’empathie, je dirai que l’intérêt c’est
d’abord soi. Parce que l’acte que l’on va chercher à produire a une intention
libératoire pour soi-même, d’abord.
On va chercher inconsciemment à se déculpabiliser.
La souffrance de l’autre produit un poids qui nous est
difficilement supportable pour nous, puisqu’elle nous renvoie à notre propre
souffrance.
C’est-à-dire que voir l’autre souffrir d’une maladie grave,
nous fait peur pour nous-mêmes. Et nous cherchons alors (toujours
inconsciemment bien-sûr), à produire un acte qui nous « protégerai »
de cette maladie.
Faire un don pour la lutte contre le cancer par exemple, c’est inconsciemment, avoir à l’idée que l’on trouve un remède qui nous protègerai nous en premier (ou c’est aussi faire une bonne action pour sa propre estime de soi).
Attention, je ne suis pas en train d’accuser, de montrer du doigt
celles et ceux qui le font, puisque naturellement nous sommes par notre nature
pécheresse inspirer à agir de la sorte, (moi comme les autres).
Et les actes superficiels sont eux aussi nécessaires dans une société où règne la souffrance à tous les étages.
Mais, un disciple doit se battre contre cette légèreté de son
être qui veut toujours passer en premier. Attention, on ne se bat pas contre
des personnes, mais contre des esprits mauvais qui nous inspirent à rester
superficiels dans nos actes et dans ce que procurent nos émotions et nos prises
de conscience.
Nous sommes naturellement inspiré à manifester l’empathie.
Maintenant, c’est vrai aussi qu’il existe des gens qui n’ont
même plus d’empathie. Ils ont même perdu ce qui leur a été donné naturellement,
au départ. Pourquoi ?
Pour la seule raison que leur cœur s’est endurci et qu’ils
ont développé par l’intermédiaire de pensées diaboliques, des déviances
psychologiques graves. Ce sont même des pathologies psychiatriques, que l’on a
généralisées sous les termes de « psychopathes, de pervers narcissiques,
d’aliénés etc ».
Ah, ils ont toujours des émotions fortes, ils peuvent pleurer,
s’attendrir ; mais le plus souvent pour des futilités, comme devant la
tristesse d’une scène d’un film dramatique ou après avoir écouté un chant qui
fait remonter des émotions, une mélodie rappelant des souvenirs tendres du
passé. Et ils savent jouer avec l’émotion.
On peut aussi simuler l’empathie, ou la créer artificiellement
pour manipuler les autres (comme les médias le font à tout va, sans oublier
beaucoup trop de prédicateurs de l’évangile en usent et en abusent…)
Mais à l’inverse, il existe aussi une inspiration forte à la compassion.
Et, c’est là qu’intervient la grâce.
Un ange
passe comme on dit (non pas dans un silence), mais quand un acte de compassion est réalisé. Car compatir est contre nature.
Agir pour l’autre dans son intérêt premier est contre-nature.
Et cela se produit heureusement parfois et sans
nécessairement que la personne soit croyante.
Les anges sont à l’origine de cette forme de piété. Ce sont
eux qui inspirent fortement à la manifester.
Comment ?
Quand une émotion forte vous traverse pour aller aider une personne en souffrance, c’est très souvent un ange de Dieu qui est passé par là. C’est lui qui est venu activer cette énergie en vous.
Prenons l’exemple d’une personne qui au départ est extérieure
a la famille d’Abraham : Agar l’Égyptienne, la servante de Sara qui a fui
dans le désert parce qu’elle avait été maltraitée par sa maitresse. Arrivée à
une source d’eau, elle fut reprise dans son cœur par un ange. Son amertume se
changea subitement en compassion.
L’ange l’incita à faire demi-tour et à aller demander pardon
pour son endurcissement.
Genèse 16 : 9
« L'ange de l'Éternel lui dit: Retourne
vers ta maîtresse, et humilie-toi sous sa main. ».
Il faut bien comprendre que sans l’action de l’ange, Agar
n’aurait plus jamais eu d’empathie pour sa maitresse et encore moins de
compassion pour sa souffrance.
Dans cette affaire, les deux femmes avaient le regard sur leur propre souffrance et ne pouvaient, par conséquent ressentir celle de l’autre. Il fallait un changement spirituel radical.
Le changement radical : C’est une des fonctions de l’ange.
L’ange ouvre les yeux d’Agar, en même temps que son cœur,
pour qu’elle comprenne et ressente l’humiliation de Sara.
Car lorsque l’heure est venue, Dieu envoie un ange intercesseur comme le dit Job: « Dieu a compassion de lui, et dit à l’ange : délivre-le ! »(Job 33 :24)
Les épitres de Paul nous le disent : Dieu par son esprit, « donne le vouloir et le faire », mais comment le donne-t-il ?
Par l’action d’un ange.
Et cette action amène (nous l’avons vu) à
prendre des risques démesurés pour les autres, allant même jusqu’à risquer sa
vie par compassion.
L’exemple de la prostituée Rahab est frappant
à ce sujet.
Cette femme désobéi et ment au roi de Jéricho. Elle nie héberger chez elle des espions Hébreux, alors qu’elle cache bien les éclaireurs de Josué.
Dieu en fait, ne nous demande pas d’agir le
plus souvent possible par compassion.
Il nous demande, surtout, de nous préparer à
manifester des actes que lui nous incitera à faire, par l’intermédiaire de ses
anges.
Et se préparer, c’est toujours dans l’humilité
et la solitude.
C’est en ne comptant que sur Dieu et Dieu seul
que nous nous préparons à la compassion.
Parce que la compassion à un but qui nous
échappe bien souvent à tous : Ramener chacun
dans son héritage, chacun dans son pays »
comme nous le dit le prophète Jérémie.
Et Dieu nous aidera aussi à accomplir nos
actes en remettant l’épée dans le fourreau des anges ; en proclamant la
paix là où il y avait la guerre.
En d’autres mots : La compassion nous
permettra de retrouver nos vraies racines en Christ, de retrouver notre
identité de sacrificateur pour Dieu.
Car nous ne sommes agréables au Seigneur que si
nous exerçons avec lui sa volonté et sa gloire.
Amen
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