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Par Eric Ruiz
L’indignation, les scandales, sont des faits communs des sociétés humaines, comme aussi des récits bibliques. Je dirais même que les scandales font partie de la plus grande des histoires : celle du fils de Dieu.
Le fils de Dieu, Jésus-Christ, s’offrant gratuitement à la mort sans résister, pour l’humanité est un scandale, une folie pour les païens. Un juste condamné à mort comme un vulgaire brigand…où est le Dieu tout puissant ? Un Dieu s’abaissant ainsi ne montre-t-il pas (en surface bien-sûr) un Dieu faible avec les forts ? D’où la réaction méprisante des passants devant sa crucifixion : « Hé! toi qui détruis le temple, et qui le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, en descendant de la croix ».
Les chefs religieux de l’époque se scandalisaient eux-aussi, en le prenant pour un imposteur. Ils attendaient plutôt la venue d’un roi qui rétablirait la Thora et les libéraient de l’oppresseur romain.
L’évangile, peut-il être prêché sans évoquer les scandales qu’il montre et qu’il provoque ? N’est-ce pas un scandale que de faire l’impasse sur les scandales de l’évangile ?
Car, un
autre scandale, et pas des moindres, s’inscrit dans la perception de ce que dit
Jésus au sujet de sa chair et de son sang. Ses mots furent un objet de scandale pour les
disciples ; Qu’il faille manger sa chair et boire son sang est hors de
sens ; qu’il faille en arriver là pour demeurer en lui et que lui demeure
en nous, cette foi-là dépasse tout raisonnement.
Pris au
premier degré : c’est une horreur, comme une incitation au
cannibalisme ; mais pris dans son sens spirituel, c’est tout de même lourd
de conséquence. Car cela reste un sacrifice qui demande une dose incroyable de
détermination et d’abnégation de la part du disciple.
Parce qu’aimer
Christ demande un acte de folie dont peu sont capables compte-tenu de leur
amour pour leur chair.
Ceux qui ont quitté Jésus, scandalisés par ses propos ont eu un véritable cas de conscience à affronter.
Le
scandale nous dit le dictionnaire, c’est ce qui parait incompréhensible et qui
pose problème à la conscience, qui déroute la raison et qui trouble la foi. Qu’est-ce
que c’est au juste?
C’est
souvent un outrage ou une indignation ressentie à partir d’une forte sensation d’injustice.
La mort
d’un enfant, par exemple, fait scandale parce qu’elle touche un être jeune qui
n’a pas eu sa chance de vivre comme les autres et de connaître l’âge adulte.
L’être
humain en tous les cas n’est pas à une contradiction près : il se scandalise
de l’injustice alors qu’il n’arrête pas, lui, de manifester des actes injustes.
Et au
sujet de la foi, dès que l’on sort des sentiers battus, dès que sa foi risque d’être ébranlée,
le croyant s’indigne et se scandalise.
En fait,
dès qu’il ne voit plus son intérêt ou que ce qu’il doit sacrifier dépasse son
imagination et ses capacités, il se braque.
Mais à
l’inverse n’avons-nous pas des pensées ou des réactions qui scandalisent
Dieu ?
L’apôtre Pierre, loin d’insulter notre Seigneur, le scandalisa lorsqu’il voulut s’opposer à sa mort en disant : « A Dieu ne plaise, Seigneur! Cela ne t'arrivera pas. Jésus, se retournant, dit à Pierre: Arrière de moi, Satan! tu m'es en scandale; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes. ».
Nos
pensées charnelles, à nous qui voulons suivre Christ, ne sont
pas sans conséquences. Elles indignent
et scandalisent notre Dieu, qui ne peut alors rien bâtir avec nous et
qui nous met en arrière.
Chaque
fois que nous prenons une décision sans qu’elle soit en accord avec lui, nous
le scandalisons.
Nous devrions mesurer le poids de nos paroles et de nos décisions plus souvent, peut-être serions-nous, alors moins léger sur les choix que nous faisons.
D’une toute autre manière, s’infliger des obligations quotidiennes,
suivre un rituel précis, se rassurer par des actes sacrés pour éloigner le mal,
ne peut aboutir à la grâce. La loi est là trop présente, cachant d’autres
intérêts.
De même, se déculpabiliser en se disant que notre Seigneur
a porté nos fautes à la croix et que nous avons juste à les confesser de la
bouche pour en être délivré puis purifié, le raccourcit ne satisfait que
l’auteur de la faute.
Si nous ne lavons pas notre vêtement, nous serons bel et
bien mis dehors. Christ ne vient pas purifier un vêtement qui n’a pas été au
préalablement lavé.
La grâce ne remplace pas la loi, elle l’accompli. Et déjà à partir de là, on assiste à un grand écart parmi celles et ceux qui proclament vivre pieusement.
Suis-je très loin de la vérité en vous disant cela ?
Suis-je trop défaitiste et même contre la grâce en montrant que beaucoup par l’amour de leurs œuvres se sont placés sous la loi, en se réclamant de la grâce ? Je ne le crois pas. J’aimerai me tromper.
Le roi David disait déjà au sujet d’Israël : «Dieu
leur a donné un esprit d'assoupissement, Des yeux pour ne point voir, Et des
oreilles pour ne point entendre… Que leur table soit pour eux un piège, un
filet, une occasion de chute, et une rétribution! ».
Pour
des êtres soi-disant pieux qui scandalisaient notre Dieu, il était normal
qu’eux-mêmes souffrent du même scandale dans leur communion.
Et posons-nous la question lorsque des scandales éclatent dans nos agapes…Qui a piégé notre table de communion ?
Les prophètes comme Osée ou Esaïe l’on prédit aussi bien avant ; et l’apôtre Paul comme Pierre ont annoncé que Christ est « une pierre d’achoppement, un rocher de scandale ». Car « La pierre qu’ont rejeté ceux qui bâtissaient, est devenue la principale de l’angle » (1Pierre 2 :7).
Un grand
nombre s’abritent derrière leur croyance pour ne pas se heurter à cette pierre.
Les
chrétiens se disent protégés de ce scandale, car ils bâtissent, eux, sur la
vraie pierre, et qu’ils accusent les juifs.
S’ils
continuent à renier Christ, affirment-ils, ils se heurteront fatalement à cette
pierre de scandale et chuteront de toute leur hauteur.
Dieu, par Esaïe ne les avait-il pas prévenus ? « C'est l'Éternel des armées que vous devez sanctifier, C'est lui que vous devez craindre et redouter. Et il sera un sanctuaire, Mais aussi une pierre d'achoppement, un rocher de scandale pour les deux maisons d'Israël, un filet et un piège pour les habitants de Jérusalem. Plusieurs trébucheront; Ils tomberont et se briseront, Ils seront enlacés et pris. »(Esaïe 8-13-15)
L’esprit
religieux aime donner des leçons aux autres pour redorer sa foi. Or, cette interprétation,
même bâtie avec des versets bibliques forts, reste très simpliste et surtout, c’est
un mensonge puisqu’elle devrait remettre en cause, pas seulement les juifs,
mais tous ceux qui se disent bâtisseurs, membre d’une synagogue comme aussi
membre d’une église ou d’une communauté religieuse.
Si l’œuvre que nous bâtissons
avec Christ s’écroule ?
Que devons-nous en
conclure ?
Doit-on continuer à se
scandaliser ?
Ou n’est-ce pas Christ qui
l’ai été fortement par les bâtisseurs eux-mêmes ?
Car Esaïe prophétise au sujet d'Israël, ce qu’il pourrait
prophétiser de la même façon pour l’Église des nations: « J'ai
tendu mes mains tout le jour vers un peuple rebelle et contredisant ».
C’est à un peuple élu qu’Esaïe fait référence, et pas
seulement pour celui d’hier.
L’interprétation simpliste met de côté en premier ce qui est essentielle : la foi. « La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur ».
La bouche
n’est pas suffisant pour croire, le cœur doit être pur.
« Heureux ceux qui ont le cœur pur,
car ils verront Dieu! ».
Quand
Jésus proclame cela, il insinue fortement que c’est la foi qui sauve et non sa
croyance. Croire en Dieu avec un cœur impur, ce n’est pas la foi.
Paul le dit bien : « Les païens, qui ne cherchaient pas la justice, ont obtenu la justice, la justice qui vient de la foi,(d’un cœur pur) « (Romains 9 :30)
Ceux qui fêtent la Paque ou qui célèbre la Cène, en étant enflé d’orgueil, en
faisant des privilèges aux uns et pas aux autres, en maudissant dans leur cœur,
se heurtent forcément à cette pierre.
Ils seront en effet scandalisés de se voir rejeter de la grâce, alors qu’ils n’ont jamais raté une célébration, un baptême, un culte ou une messe.
L’apôtre Paul le dit ainsi : « …Israël, qui cherchait une loi de justice, n'est pas parvenu à cette loi. Pourquoi? Parce qu'Israël l'a cherchée, non par la foi, mais comme provenant des œuvres » (Romains 9 :31-32).
Paul nous donne ici la stratégie mentale du croyant, qui en recherchant les œuvres se leurre dans sa foi, une foi qu’il a construite lui-même ; Alors que la vraie foi se construit à partir d’un engagement véritable : c’est une circoncision du cœur et non une circoncision de chair (circoncire la chair, c’est l’œuvre visible, et ne pas s’y attacher : c’est primordial).
Pourquoi Jésus dit dans Matthieu
23 :23 : « Malheur
à vous, scribes et pharisiens hypocrites! Parce que vous payez la dîme de la
menthe, de l'aneth et du cumin, et que vous laissez ce qui est plus important
dans la loi, la justice, la miséricorde et la fidélité: c'est là ce qu'il
fallait pratiquer, sans négliger les autres choses » ?
Eh bien Jésus-Christ prédit ces malheurs, parce que ces croyants n’ont pas vu la foi qui était dans la loi. Et, les œuvres sans la foi ne servent à rien. Se glorifier d’agir pour Dieu est inutile s’il n’y pas au départ les dons de justice, d’amour et de fidélité que seul l’esprit de Dieu inspire et fait croitre en soi. La course à la sainteté par les œuvres, c’est ce premier cavalier de l’Apocalypse qui part en vainqueur précédé par ses œuvres et non par sa foi.
Les prophètes dévoilent en fait deux scandales :
-Le premier scandale provient, je le répète, d’un peuple qui se
croit saint et béni alors que ses œuvres mauvaises l’a déjà réprouvé.
Un peuple toujours à se placer au plus haut et qui montre l’impur du doigt, en disant (Esaïe 65 :5) «Retire-toi, Ne m'approche pas, car je suis saint!... De pareilles choses, c'est une fumée dans mes narines, C'est un feu qui brûle toujours (dit l’Éternel) ».
Et deuxième scandale, Paul reprend alors ce que dit Osée le
prophète dans (Romains 9 : 25-26 ):
« selon qu'il le dit dans Osée: J'appellerai mon peuple celui qui n'était pas mon peuple, et bien-aimée celle qui n'était pas la bien-aimée; …et là où on leur disait: Vous n'êtes pas mon peuple! ils seront appelés fils du Dieu vivant ».
Quelle indignation pour un peuple soi-disant élu, c’est un véritable retournement de situation. Le chandelier change de main, l’Arche de l’Alliance passe à l’ennemi, pire elle arrive chez ceux que l’on maudissait autrefois.
Mais le scandale de la croix, ne montre-t-il
pas un tel bouleversement ? Les premiers seront les derniers, les heureux seront
les débonnaires, les pauvres d’esprit, les affligés, les laissés pour compte.
On est loin du peuple intelligeant, rempli de sagesse, recherchant la justice, qui comprend les voies divines, en se vantant de servir Dieu par ses œuvres.
-Le vrai évangile n’est pas celui des plus
nombreux ou de ceux qui se mettent une couronne sur la tête parce qu’ils
professeraient la meilleure louange.
-Le vrai évangile, fait trembler un peuple
saint, un peuple élu.
Il
cause même un véritable tremblement de terre, détruisant ce qui faisait sa
fierté. Mais qui tremblent ?
Ce sont celles et ceux qui se sont installés
dans une foi superficielle, car le scandale provient de là (de cette foi
superficielle).
-Ils passaient pour être vivant, et ils sont
morts ;
-ils avaient de magnifiques œuvres, mais ils ont
perdu leur premier amour.
-Ils avaient l’épée de la parole, ils n’ont
plus que des doctrines de mensonges comme celles de Balaam et des Nicolaïtes
qui les font aimer la débauche.
-Ils se vantaient d’être riche, de s’être enrichi, de n’avoir besoin de rien, les voilà tièdes et vomissables.
Face à cette scandaleuse trahison, quelle
compassion de notre Seigneur, car même parmi eux, le Saint-Esprit continue de
leur tendre la main. Ils leur dit : « Aie
donc du zèle, et repens-toi »(Apocalypse 3 :19).
Parce qu’un petit reste entendra ses mots, tandis que les
autres, sourds aux avertissements, persévèreront dans leur ingratitude,
s’endurcissant davantage.
Dieu n’est pas sélectif, non c’est nous-même qui le sommes devenus en étant pour lui un objet de scandale et en se satisfaisant de sa condition d’infidèle.
Le scandale, dès que nous en prenons conscience, doit nous
faire revenir à la Parole.
Pierre a scandalisé Jésus, mais Pierre aurait pu lui aussi
s’endurcir en restant choqué de la réaction de Jésus (« arrière de moi
satan »).
Or, son amour de la vérité (la justice, la miséricorde et
la fidélité de Matthieu 23 :23) l’a toujours amené à se repentir.
C’est pour ses raisons que nous devons prêcher sans cesse
le scandale de la croix, car Dieu n’est pas au-dessus de nous pour contraindre
un peuple à le suivre, à le servir ou à le faire mourir ; mais il s’est abaissée,
naissant dans le corps d’un simple homme, dans une petite étable, pour que par
ses souffrances et par le don de sa vie, il sauve de la mort quiconque se
repend et l’invoque de tout son cœur.
Je réponds à la question:
L’évangile, peut-il être prêché sans évoquer les scandales qu’il montre et qu’il provoque ? N’est-ce pas un scandale que de faire l’impasse sur les scandales de l’évangile ?
Oui, c'est bien au milieu des scandales que Jésus revient. Alors ne pas se soucier d'eux faits de nous des infidèles endurcis, préférant les fables à la Parole de Dieu. Et notre rétribution nous suit.
Amen
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