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Par Eric Ruiz
· L’HÉRITAGE DE JOSEPH
La Bible possède ce côté prodigieux :
elle renvoie des reflets comme dans un jeu de miroirs ; Les évènements du passé projettent des images pour notre présent. Les fils de Joseph, par exemple, Manassé et Éphraïm, à travers leurs choix et leur histoire, offrent des symboles très actuels de nos propres conditions d’existence en tant que disciples de Christ au XXIᵉ siècle.
En premier
lieu, les fils de Joseph présentent un
double héritage spirituel. Un héritage des nations, une culture Egyptienne de par
leur mère et leur naissance en Egypte ; mais ils ont aussi une culture
hébraïque par leur père. Ce double
héritage est aussi celui d’un disciple de Christ. Né dans le monde, dans les
nations et né spirituellement comme fils d’Abraham. Ce double héritage va nous
aider à comprendre les combats et les victoires qui sont les nôtres dans
l’Eglise des nations.
Cette
Église est le prolongement de la prophétie qu’Israël donna à son fils Joseph
pour lui et ses deux fils. » Dieu m'a dit: Je
te rendrai fécond, je te multiplierai, et je ferai de toi une multitude de
peuples ; » (Genèse 48 :4). Cette bénédiction faite en
Egypte par Israël s’inscrit donc aussi dans le prolongement de celle faite à
Abraham. Elle relie l’Eglise des nations au plan divin. Israël avait reçu
auparavant cette promesse divine en Canaan et ce n’est pas un hasard si là en
Égypte, Israël transmet son héritage à Joseph. L’Eglise est comme les deux fils
de Joseph le sont : greffée sur l’olivier d’Israël (Romains 11 :17).
· ÉPHRAïM et MANASSÉ 2 ARCHÉTYPES
Maintenant, allons plus loin. Il est très
curieux de constater que la Bible parle beaucoup plus d’Ephraïm que de Manassé,
lorsqu’elle évoque les fils de Joseph.
Ephraïm par son nom montre une prophétie : il est doublement fécond. Ce qu’il a au fond de lui s’imposera. Il s’impose
beaucoup plus comme un leader, un chef de guerre que Manassé. Dès le départ
la bénédiction de l’ainé fut pour Ephraïm alors que Manassé aurait dû avoir cet
héritage parce qu’il est le premier-né. Mais, Israël leur grand-père le voulu
autrement. Israël a peut-être vu en plus de sa vision prophétique, un caractère
plus fort pour diriger de la part d’Ephraïm. Car pendant de nombreuses années
après la division d’Israël en deux royaumes, le royaume du nord fut attribué à
Ephraïm (prenant ainsi le nom de 10 tribus) tandis que le royaume du sud fut
celui de Juda. Ephraïm est un rempart puissant de part sa situation
géographique (au nord) et ensuite par sa faculté à rassembler un peuple
nombreux. Manassé, quant à lui, agit de
manière moins visible, mais il protège et amène des bénédictions autrement.
Lisons
Josué 17 :12-13 : « Les fils de Manassé ne purent pas
prendre possession de ces villes, et les Cananéens voulurent rester dans ce
pays. Lorsque
les enfants d'Israël furent assez forts, ils assujettirent les Cananéens à un
tribut, mais ils ne les chassèrent point. ».
Ce verset
est très lumineux concernant l’attitude de Manassé. Manassé a conservé ce que
Dieu a demandé d’éliminer. Plutôt que de chasser les Cananéens, (qui était
l’ordre qu’ils avaient reçu de Josué qui lui-même l’avait reçu de Dieu), ils
les assujettirent à un impôt. Manassé
aime les compromis. Il préfère un choix qui l’arrange et dont il peut tirer un
bénéfice ou un profit. Ce comportement s’est répété à l’identique plus tard
et avec d’autres villes (c’est ce que nous lisons dans Juge 1 : 27).
Ephraïm et
Manassé représentent bien l’Eglise des nations et en particulier ces deux
groupes de frères et de sœurs dans les assemblées chrétiennes. Ephraïm, c’est un groupe de leaders très
conquérants, qui aime influencer, se montrer très actif et entreprenant ; Osée
13 :1 le décrit ainsi : « Lorsqu’Ephraïm
parlait s’était une terreur : il s’élevait en Israël » et
l’autre, Manassé, qui semble avoir tendance à suivre le premier et à se
conformer à leurs exigences, (et dont les résultats sont peu visibles car ils
sont assimilés au premier).
A
l’évidence, Manassé étant soumis à Ephraïm, cette tribu faisait des compromis
pour ne pas déplaire à la première. Son silence faisait donc office de
consentement.
Un autre
fait notoire, la Bible ne fait aucune mention d’une porte nommée Manassé à
Jérusalem (puisqu’elle n’existe pas). Seule la porte d’Ephraïm y figure et
cette porte a même été reconstruite à l’époque de Néhémie. La porte du nord. Ephraïm
c’est la porte, la gloire, l’étendard, pourquoi ?
-
Ephraïm et ses fils sont très ambitieux et combatifs, ils
cherchent tous à triompher et à remporter des couronnes. Ils sont avides de
victoires et aiment se mettre en avant, sur la chair devant leurs frères ou
pour témoigner de leurs réussites. Esaïe les traitera d’Ivrogne tellement leur
soif de victoire les aveugle. « Malheur à la
couronne superbe des ivrognes d'Ephraïm, A la fleur fanée, qui fait l'éclat de
sa parure » (Esaïe 28 :1).
-
Manassé et ses fils montrent moins de
combativité (bien qu’il compte aussi parmi eux de grands guerriers). Ils sont
plus discrets, moins exubérants, ils sont plus sur la retenue. D’ailleurs, ce trait de caractère est
celui de Gédéon qui surprendra tout le monde y compris son propre père quand il
viendra renverser et détruire ses idoles. Cette attitude n’était pas dans son
caractère. Gédéon dit à l’ange : « Voici, ma famille est la plus pauvre en Manassé, et je suis le plus petit (le
plus faible) dans la maison de mon père ».
Et par la suite, ceux d’Ephraïm reprochèrent à Gédéon de ne pas
les avoir placés à leur rang pour la guerre. Poussés par un excès de confiance
en eux-mêmes, ils estimaient que c’était à eux d’être aux premières places. « Les hommes
d'Éphraïm dirent à Gédéon: Que signifie cette manière d'agir envers nous ?
Pourquoi ne pas nous avoir appelés, quand tu es allé combattre Madian ? Et ils
eurent avec lui une violente querelle ».
La
colère des hommes d’Ephraïm s’est apaisée quand Gédéon, très intelligemment,
leur a montré qu’ils avaient remportés des victoires prestigieuses et bien
visibles : « C'est entre vos mains que Dieu a livré les chefs de
Madian, Oreb et Zeeb. Qu'ai-je donc pu faire en comparaison de vous ? Lorsqu'il
eut ainsi parlé, leur colère contre lui s'apaisa ».
Quoi qu’il en soit, le péché d’Ephraïm n’est pas supérieur à celui de Manassé. Leur désobéissance est réelle pour tous deux. Mais ils désobéissent différemment. Ephraïm aime le pouvoir et le prend directement, il impose, il dicte ses propres règles, il influence fortement son prochain (c’est aussi son châtiment, car Osée (Osée 9 :3 dit qu’il retournera en Egypte et que ce sera sa mort). Manassé, lui, se livre sans cesse à des compromis avec le péché. Mais sa rébellion est moins visible, plus cachée, parce que moins exprimée et extériorisée publiquement. Il n’est pas question ici de dire que l’un est meilleur que l’autre ou que le premier est pire que le deuxième. Le poids de la désobéissance est le même (ils seront ennemi de la maison de Dieu, car plongés dans la corruption-ils sont devenus abominables comme l’objet de leur amour- Osée 9 : 8-11)
Or, Parmi les membres de chaque tribu tous deux auront une partie rajoutée au bois de Juda. Dans les faits, des élus sortiront des deux groupes de croyants. Mais le salut ne viendra pas par Ephraïm, pourquoi ? Parce que Manassé est plus petit, moins fort, et qu’il n’a pas l’habitude de choisir les premières places. C’est ce nous montre le récit de Gédéon issu de la tribu de Manassé. Dieu se choisit un homme, le plus petit de sa famille et de la tribu la moins élogieuse ; et par la puissance de l’Esprit il délivre un peuple opprimé et esclave de ses fautes. C’est le cadet qui sauve l’aîné. Le plus petit qui aide le plus grand. C’est pour cela que Jacob a croisé ses mains lors de la bénédiction de Joseph. En désignant Ephraïm par sa main droite comme le plus grand, il désignait la supériorité spirituelle d’un peuple par les victoires acquises, mais par sa main gauche sans le dire clairement il montra celui qui aidera l’autre. Éphraïm devenu l’ainé (qui symbolise l’ambition, la victoire sur l’ennemi) sera délivré par Manassé (symbolisant la guérison, la victoire sur les traumatismes du passé).
Revenons sur le caractère de Manassé. Manassé, est une tribu nombreuse ; Manassé aime le nombre, comme son frère, mais pas pour influencer, parce qu’elle s’y sent en sécurité. Pas étonnant qu’elle soit une part importante des membres d’une assemblée. Mais, et c’est contradictoire cette tribu se trouve en situation d’infériorité spirituelle. On ne lui demande pas son avis. D’ailleurs dans la Bible vous remarquerez qu’aucun roi d’Israël n’est sorti d’elle. Son influence est décidément dérisoire. Attention, sa discrétion n’en fait pas pour autant plus un spectateur qu’un acteur. Manassé est bien acteur de sa foi. Or ce caractère plus effacé n’est pas forcément une qualité. Cela ne le rend pas plus humble.
Bien qu’il soit moins
ambitieux, il est aussi orgueilleux, et idolâtre que son frère. Par ses
compromis, il aboutira sans qu’il le veuille ou qu’il en soit conscient à la
division. Il se séparera de ses frères
parce qu’il rentrera en conflit avec eux. Ephraïm reprochera le silence, la
passivité, ou le manque d’implication de son frère tandis que Manassé
reprochera à son frère son excès de zèle et son oppression à le contraindre à
se mettre davantage en avant. Mais quelle contradiction : lorsque Manassé
finit par prendre l’initiative, Éphraïm lui reproche alors son zèle et entre
même en guerre contre lui.
C’est le récit du livre des juges au chapitre 12. Le juge Jephté de Galaad (terre de Manassé) reproche à Ephraïm de n’avoir pas répondu à son besoin. Ephraïm ne l’a pas secouru lorsqu’il était confronté aux fils d’Ammon. Blessé dans leur orgueil, les hommes d’Ephraïm rentrèrent en guerre contre Jephté et Manassé. Résultat : 42.000 morts parmi les fils d’Ephraïm. Jephté avait un nom prémonitoire à sa fonction : « il ouvrira, il libérera » Les fils d’Amon eux aussi avaient un nom prophétique : « appartenant à la nation » Quand Manassé prend les devant et fait une œuvre de délivrance, en voulant chasser le péché qui vient des nations (Ammon) dans l’assemblée, il se heurte violemment à la jalousie sans limite d’Ephraïm. En fait, lorsqu’Ephraïm se sent en faute et repris, il ne supporte pas de passer en second derrière Manassé. Il préfère alors la violence à la repentance. Dans les assemblées ce conflit déclenche systématiquement des schismes entre frères. Mais nous l’avons vu avec Gédéon, c’est de cette façon que Dieu délivre et délivrera son peuple.
L’héritage
de Manassé est unique et tellement prophétique. C’est la seule tribu à avoir
son territoire coupé en deux. Une demi-tribu à l’est du Jourdain et une
demi-tribu à l’ouest. Cette séparation est un symbole prophétique puissant. L’Ouest représente la stabilité, l’accomplissement spirituel, tandis que l’Est
est plus désertique, c’est l’épreuve, le manque d’eau, la pénurie de parole de
Dieu et le sentiment d’inutilité. Le territoire de Manassé c’est un peu le
combat entre stabilité et anxiété, souffrance et guérison, l’abandon et
l’enracinement. Ce combat montre que sa foi est devenue tiède. Il est tiraillé
entre Israël à l’ouest et les nations à l’est.
Manassé signifie « oublieux, ou oublie du passé » ;
Le problème de Manassé est lié à sa
mémoire qui lui procure de la tristesse et de la souffrance. Son passé
d’Egyptien lui revient sans cesse. Il n’a pas guérit de son passé. Lui aussi a
ses racines dans les nations. Celle ou celui qui vient des nations, pour un
chrétien aujourd’hui se serait son ancienne condition charnelle qui le tente à
nouveau. Mais son passé l’aide aussi à se souvenir de ce qu’aime Dieu
véritablement. Quel sacrifice il agrée le plus. Manassé nous rappelle que Dieu
guérit le passé, mais attend que nous marchions pleinement dans l’appel que
nous avons reçu, sans vivre: moitié dans l’Esprit, moitié dans les nations.
· Es-tu Ephraïm ou Manassé ?
Alors
surtout ne faites pas de comparaison. Ne vous dites pas en lisant mon message,
« ah bien je suis de la tribu de Manassé » (c’est ce que je pourrais
me dire à moi-même) et d’autres : « eh bien moi c’est celle d’Ephraïm
ma tribu ». Le but c’est vrai est de voir nos origines et de comprendre
notre caractère et notre comportement. Mais, avant tout, c’est l’avenir le plus
important… et l’avenir c’est le bois de Juda sur lequel nous sommes greffés.
Nous sommes une nouvelle créature en Christ. Gédéon une fois revêtu de l’esprit de Dieu
n’agissait plus avec le caractère de Manassé mais avec celui de Dieu. Il
faisait strictement ce que l’ange lui disait de faire. D’autre part la porte
d’Ephraïm située au nord de Jérusalem, représente la restauration à venir.
C’est par là que les exilés, reviennent. Le retour à Dieu se fait bien par
cette porte. Esaïe nous le confirme, « la jalousie
d’Ephraïm disparaitra ». Donc, ne soyons pas fataliste en s’excusant
de ses fautes parce que c’est le caractère d’une tribu. Par contre si nous
voyons notre ancienne nature revenir, c’est vrai qu’elle reviendra par les
marques de notre tribu spirituelle ; Pour certains ce sera par les traits
de Manassé (les compromis, la tiédeur, une certaine passivité) et pour
d’autres, par les excès d’Ephraïm (très sûr de sa position de dominateur,
ambitieux, se remettant que très peu en cause). N’oublions pas que pour Christ
tout sert à notre édification et à notre sanctification. Loin de nous enfermer
dans un rôle ou un caractère, Dieu nous libère de tous ces carcans pour que
nous manifestions notre vraie nature qui en fin de compte est la sienne (tout
simplement). C’est quand nous adoptons Juda non pas la tribu mais l’autorité de
Christ que son caractère prend forme en nous.
Pour moi,
je suis quelqu’un qui a été formé dans l’héritage d’Éphraïm, j’ai guéri dans
Manassé, et je cherche aujourd’hui à marcher avec le sceptre de Juda.
Amen

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