lundi 22 décembre 2025

LA FOI de l’EGYPTE entre outrage et bénédiction

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Par Eric Ruiz

Je préfère le dire tout de suite, l’Egypte biblique présente un paradoxe ;


un lieu de souffrance, d’oppression et de servitude, mais aussi surprenant que cela puisse être un lieu de refuge de protection et de bénédiction. Je vais développer ce paradoxe et les conséquences que cela entrainent pour un disciple de Christ aujourd’hui. L’Égypte en fin de compte ne serait-elle pas l’image de notre condition humaine rachetée, car elle est à la fois un lieu d’oppression par le péché et la manifestation de la foi et de la grâce divine ?

  • L’Egypte spirituelle

Dans la Bible le mot Egypte occupe une place majeure. Il apparait plus de 680 fois dans les textes. Mitsrayim en hébreu, qui signifie « terre de dépression, lieu étroit et contraignant » et Egyptiens signifiant « doublement oppresseurs ». On nous parle souvent de l’Egypte, comme d’un lieu de vie sans Dieu ou plutôt avec plusieurs dieux, des faux dieux.

Le dieu de la guerre, de la richesse, le dieu de l’abondance, de la magie, le dieu des sciences, celui des plaisirs etc, etc.  Nos conducteurs dans la foi nous rappellent qu’au temps où nous étions païens, nous vivions en Egypte. Mais avec la foi, nous sommes sortis de ce lieu de domination et de contraintes pour traverser notre mer rouge, en contractant une nouvelle alliance par notre baptême. Et aujourd’hui avec Christ nous sommes entrés dans notre héritage, la terre d’Israël. L’Egypte c’est un lieu spirituel pour chaque croyant du XXIème siècle. Un lieu où nous avions été autrefois esclave ; l’esclave d’un roi et d’un peuple oppresseur et tyrannique, nous poussant à obéir et à nous soumettre à de faux dieux. Un pharaon dominateur, un peuple et des dieux méchants et cruels qui exerçaient leur loi sur nous, nous empêchant de vivre heureux et libre.  En fait, ce qu’à vécu Moïse et le peuple hébreu est une réalité historique. 

Mais là où cette réalité devient éternelle c’est quand elle devient spirituelle, quand elle traverse les siècles et les générations. Dieu de tout temps appelle ses enfants à sortir d’Egypte, il leur parle une fois qu’ils sont à l’extérieur. L’Egypte est par conséquent intemporelle vue du côté spirituel et malheureusement pour un peuple rebelle à Dieu, l’Egypte demeure toujours une réalité maléfique. Comment ?

  • Sortir de l’Égypte intérieure pour vivre en Christ 

L’Egypte, qui est assimilée souvent au ventre  (lieu de la digestion des aliments) c'est la partie charnelle en chacun de nous. Et cette part nourricière doit devenir étrangère et même complètement morte, car c'est elle qui nous incite à faire de mauvaises alliances.  Alors quitter cette nation se fait dans la douleur. Mais...le plus compliqué pour la plus grande majorité c'est d’admettre et se repentir du fait d’avoir fait alliance avec Christ, pour ensuite se retourner vers ses anciennes alliances Egyptiennes ; c’est-à-dire de continuer à faire alliance avec le péché brisant ainsi par leurs actes ce qu’ils louent de leur bouche, car ils préfèrent conserver les avantages qu'ils ont acquis de cette façon. Sinon, la colère de Dieu n'aurait jamais lieu d'être.

« Comme un chien qui retourne à ce qu'il a vomi, Ainsi est un insensé qui revient à sa folie,» nous dit le Psaume  26 :11. Revenir en Egypte pour un croyant c’est retourner à une nourriture indigeste.

Cette vision d’une Egypte ancienne, n’est donc pas tout à fait vraie ; Dans le sens où ce n’est pas de l’histoire ancienne, qui n’a plus cours aujourd’hui. Car cette Egypte est toujours de l’histoire récente, elle reste toujours l’ennemi d’Israël et donc toujours l’ennemi de la foi. Dans la réalité spirituelle, les mauvaises alliances, celles du passé ressurgissent par moment et pour certains elles règnent à nouveau et rendent caduque l’alliance en Christ.

Pourquoi reviennent-elles ?

1 Samuel 6 :6 nous le dit par cette interrogation : « Pourquoi endurciriez-vous votre coeur, comme les Egyptiens ?». L’endurcissement, cette puissance du mal est la cause du retour à la folie, à cette folie des faux dieux d’Egypte.

Alors concrètement que signifie pour un disciple de Christ ce verset du livre du Lévitique ?

Lévitique 19 :36 :« Vous aurez des balances justes, des poids justes, des épha justes et des hin justes. Je suis l'Eternel, votre Dieu, qui vous ai fait sortir du pays d'Egypte ».  Ce verset n’est pas seulement une règle ancienne sur les poids et les mesures pour inciter les hébreux à agir avec droiture et honnêteté. Ce verset incite le croyant du XXIème siècle à sortir de l’Egypte d’un point de vue spirituel, en refusant d’exercer l’injustice. Mais attention il ne s’agit pas simplement d’être intègre et honnête dans ses engagements et ses responsabilités. C’est bien et louable d’être sincère dans ses paroles et dans ses actes en s’occupant des pauvres. Mais l’intégrité sociale va beaucoup plus loin. Pour deux frères qui ont le même besoin, avoir une balance fausse serait d’agir avec le premier d’une certaine façon et avec le deuxième frère agir d’une autre façon. Comme si l’un a plus d’importance que l’autre.

Or, si on se réclame enfant d’Israël, fils de la femme libre, on agit sans aucune différence.

D’une manière générale il y a un comportement qui relève de l’Egypte du fils de la femme esclave et un comportement qui relève de l’Israël de Dieu, de l’enfant de la promesse, fils de la femme libre.

 

  • L’EGYPTE TERRE MAUDITE DEVENUE LIEU DE REFUGE

 

Pourtant l’Egypte n’a pas toujours vocation à être une terre hostile. A bien des moments elle se présente comme une protection pour le croyant, un lieu de refuge, plus que cela encore, un lieu de bénédiction. Dieu y envoie ses enfants pour les protéger comme pour les nourrir ou les secourir.

Dans le livre de la Genèse, au chapitre 12, l’Egypte apparait en premier comme une heureuse providence. Elle devient la nation qui sauve Abram. Il y descend avec Sara pour y séjourner et surtout pour échapper à une terrible famine. Alors, loin d’être une terre inhospitalière et réfractaire, le royaume du Nil se montre au contraire, une terre accueillante, un sanctuaire (totalement à l’opposé de la maison de servitude).

Quand à Joseph père de Jésus, il décide sur l’ordre d’un ange de partir en Egypte avec son fils et Marie pour échapper aux assauts meurtrier du roi Hérode.

Et puis, qui ne connait pas le fabuleux destin de Joseph ? Exilé, vendu comme esclave par ses frères jaloux, emprisonné à tort, libéré après l’interprétation du songe de Pharaon, il épouse Asnath, la fille d’un grand prêtre égyptien avec qui il aura deux fils : Manassé et Ephraïm, avant de devenir le gouverneur de Pharaon puis d’être l’homme providentiel qui sauvera l’Egypte de la famine mais aussi qui sauvera sa famille qui l’avait trahit. Qui aurait pu voir dans l’Egypte une terre de bénédiction ?

 Quoi comprendre alors avec ce revirement d’intérêt?

L’Egypte il faut l’avouer est très ambivalente : Elle est une image forte de la servitude comme elle est aussi l’instrument de la grâce de Dieu.

Elle passe de l’oppression au refuge protecteur, d’une servitude forcée, à l’accueil d’étrangers. Elle emprisonne mais exerce un secours.

Spirituellement, c’est Dieu qui décide de nous renvoyer vers l’Egypte parce qu’il a un plan de rachat pour elle aussi.

Esaïe 19 :24 : «En ce même temps, Israël sera, lui troisième, Uni à l'Egypte et à l'Assyrie, Et ces pays seront l'objet d'une bénédiction. 25L'Eternel des armées les bénira, en disant: Bénis soient l'Egypte, mon peuple, Et l'Assyrie, œuvre de mes mains, Et Israël, mon héritage! » 

Dieu souhaite racheter nos corps  de la même façon que le peuple d’Egypte.  Un corps idolâtre, esclave de ses péchés, par un corps lavé et purifié de ses fautes et se sacrifiant pour l’amour de son Dieu. Il ne nous demande pas de maudire notre corps, de le flageller ou de le meurtrir volontairement. Il nous dit de le respecter et de l’aimer parce qu’il y enferme son temple, alors qu’il n’a que des envies contraires à l’esprit.

1 corinthiens 6 :19 « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, ».

Notre corps comme l’Egypte, même s’il n’est pas saint sert à nous protéger, à protéger l’âme qui y vit. L’Egypte bénit l’étranger comme notre corps source de tentations nous bénit par ses bienfaits (par quelles manières ? la nourriture, la santé, la communion, les unions, l’émerveillement des sens) verset 20 : « Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu. ».Toutes les nations appartiennent à Dieu et Dieu rachète à grand prix le peuple de ces nations. A la fin tout sera réuni en Christ.

Notre corps est une lumière, il nous aide à comprendre l’état de notre âme. Ce que nous vivons dans notre corps révèle souvent ce qui se passe à l’intérieur de nous.

Pour Abram, avant que son nom devienne Abraham, la terre du Nil a été un creuset et un secours et ses yeux sur son âme, la possibilité de voir ses propres faiblesses. En Égypte, il a pris conscience de ce qui se passait dans son cœur. Un croyant qui comprend la relation que les pères de la foi ont eue avec l’Égypte comprend aussi comment Dieu agit. Il découvre un Dieu qui aime et qui sauve, sans faire de distinction entre les peuples. Ce croyant apprend alors à imiter son Père céleste. Il aime et aide son prochain, quelle que soit sa religion, sa nation ou son origine. Il est aussi attentif à la voix de l’Esprit. Il sait quand Dieu lui demande de sortir d’« Égypte », lorsque celle-ci devient oppressive, et il sait aussi quand Dieu lui demande d’y retourner pour y trouver refuge ou pour servir. Ce croyant n’est pas dans la confusion. Il agit avec discernement, parce qu’il vit dans l’obéissance à Dieu. Et cette obéissance lui donne une vraie liberté en Christ, une liberté qui lui permet d’aimer et de sauver les autres tout en étant secouru lui-même.

  • MANASSE ET EPHRAIM DANS L’EGLISE

Maintenant, l’Égypte a toujours un double visage. Elle peut être un lieu d’oppression et d’esclavage, mais aussi un lieu de protection, d’accueil et de refuge. Cette ambivalence nous aide à comprendre une autre réalité : celle de l’Église des nations, qui porte en elle aussi les mêmes contradictions.

L’Église peut être un endroit où l’on est rassuré,  protégé, nourri et accompagné, mais elle peut aussi devenir en même temps un système qui enferme, qui oppresse et qui astreint à un travail forcé, à un activisme religieux.

On retrouve cette même réalité dans l’histoire des fils de Joseph. Manassé et Éphraïm sont nés d’une mère égyptienne, mais ils ont reçu un héritage complet en Israël. Ils appartiennent pleinement au peuple de Dieu, même s’ils portent en eux une double culture : celle de leur père hébreu et celle de leur mère égyptienne.

Cette double origine montre les racines d’une dérive qui s’est produite et qui existe encore aujourd’hui chez beaucoup de croyants. D’un côté, il y a l’appel de Dieu, la vie conduite par le Saint-Esprit. De l’autre, il y a les traditions, la convoitise et l’appât de la culture du monde dans lequel nous vivons. La foi devient alors partagée, tiraillée entre deux influences.

Cette confusion n’est pas nouvelle. Elle a traversé les siècles, aussi bien en Israël que dans l’Église.

Beaucoup de croyants pensent être « en terre promise » simplement parce qu’ils fréquentent une Église. Ils y trouvent un cadre rassurant, des bénédictions, un refuge, une protection — ce que l’on pourrait appeler le rempart d’Éphraïm.

  • Pourquoi le rempart d’Ephraïm ?

le Psaume 108:8 dit :
« Éphraïm est le rempart de ma tête, et Juda est mon sceptre. ».

 Symboliquement, Éphraïm représente l’institution : Éphraïm signifie « fécondité ». La bénédiction, la croissance et la prospérité sont visibles. Cette structure visible, organisée, protège le peuple de Dieu contre les attaques extérieures. Comme l’Église institutionnelle, Éphraïm est un puissant rempart : il garde les règles de la foi, transmet la tradition des hommes, et sert de cadre solide pour que le peuple et la doctrine puissent subsister. Quant à Juda qui est la tribu royale, celle de David et, plus tard, celle du Messie, le psaume dit : « Juda est mon sceptre »,  c’est l’image du pouvoir et de l’autorité promu par le Saint-Esprit.

Juda symbolise la puissance spirituelle, l’autorité divine qui gouverne et conduit le peuple. Alors une question demeure, dont on connait déjà la réponse : Ephraïm et Juda marchent-ils ensemble d’un même pas ? Le sceptre est-il à l’intérieur des remparts ? L’Eglise des nations a-t-elle reçu le sceptre de Juda ? A-t-elle réellement laissé le Saint-Esprit gouverner les assemblées ? Les pharaons des assemblées ont-ils laissé agir librement la puissance, la transformation et l’autorité spirituelle qui vient du Saint-Esprit ?

Malheureusement la puissance spirituelle s’est détachée de ses remparts. La tradition et la convoitise a chassé le sceptre divin, la véritable puissance.  Mais, l’union se fera. Une part seulement d’Ephraïm sera rajouté au bois de Juda, nous dit le livre d’Ezéchiel 37 :19

Les fils de Joseph sont tombés comme l’Eglise institution dans la confusion. Confondant leurs propres structures avec Dieu lui-même, servant l’Eglise au lieu de servir Christ.

Ainsi, comme l’Égypte peut être à la fois une bénédiction et un piège, l’Église peut être un lieu de sécurité et de bénédictions en même temps qu’un carcan religieux oppressant, si elle n’est pas conduite pleinement par l’Esprit.

Je conclurai en affirmant que la position de l’Egypte, comme celle des fils de Joseph et d’Asnath est un témoignage de plus qu’il n’y a pas de peuple plus saint qu’un autre ou plus a même à être rejeté. Le péché, comme la miséricorde entre par des portes différentes dans une même maison. Tout n’est pas blanc ou noir et cela nous pousse encore et toujours à plus d’humilité, de mesure, de compassion, et de pardon envers tous.

Amen

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