602
Par Eric Ruiz
Je préfère le dire tout de suite, l’Egypte biblique présente un paradoxe ;
un lieu de souffrance, d’oppression et de servitude, mais aussi surprenant que cela puisse être un lieu de refuge de protection et de bénédiction. Je vais développer ce paradoxe et les conséquences que cela entrainent pour un disciple de Christ aujourd’hui. L’Égypte en fin de compte ne serait-elle pas l’image de notre condition humaine rachetée, car elle est à la fois un lieu d’oppression par le péché et la manifestation de la foi et de la grâce divine ?
- L’Egypte spirituelle
Dans la Bible le mot Egypte occupe une place majeure. Il apparait
plus de 680 fois dans les textes. Mitsrayim en hébreu, qui signifie « terre de dépression, lieu
étroit et contraignant » et Egyptiens signifiant « doublement
oppresseurs ». On nous parle souvent de l’Egypte, comme d’un
lieu de vie sans Dieu ou plutôt avec plusieurs dieux, des faux dieux.
Le dieu de la guerre, de la richesse, le dieu de l’abondance, de la magie, le dieu des sciences, celui des plaisirs etc, etc. Nos conducteurs dans la foi nous rappellent qu’au temps où nous étions païens, nous vivions en Egypte. Mais avec la foi, nous sommes sortis de ce lieu de domination et de contraintes pour traverser notre mer rouge, en contractant une nouvelle alliance par notre baptême. Et aujourd’hui avec Christ nous sommes entrés dans notre héritage, la terre d’Israël. L’Egypte c’est un lieu spirituel pour chaque croyant du XXIème siècle. Un lieu où nous avions été autrefois esclave ; l’esclave d’un roi et d’un peuple oppresseur et tyrannique, nous poussant à obéir et à nous soumettre à de faux dieux. Un pharaon dominateur, un peuple et des dieux méchants et cruels qui exerçaient leur loi sur nous, nous empêchant de vivre heureux et libre. En fait, ce qu’à vécu Moïse et le peuple hébreu est une réalité historique.
Mais là où cette réalité devient éternelle c’est quand elle devient spirituelle, quand elle traverse les siècles et les générations. Dieu de tout temps appelle ses enfants à sortir d’Egypte, il leur parle une fois qu’ils sont à l’extérieur. L’Egypte est par conséquent intemporelle vue du côté spirituel et malheureusement pour un peuple rebelle à Dieu, l’Egypte demeure toujours une réalité maléfique. Comment ?
- Sortir de l’Égypte intérieure pour vivre en Christ
L’Egypte, qui est assimilée souvent au ventre (lieu de la digestion des aliments) c'est la
partie charnelle en chacun de nous. Et cette part nourricière doit devenir
étrangère et même complètement morte, car c'est elle qui nous incite à faire de
mauvaises alliances. Alors quitter cette
nation se fait dans la douleur. Mais...le plus compliqué pour la plus grande
majorité c'est d’admettre et se repentir du fait d’avoir fait alliance avec Christ,
pour ensuite se retourner vers ses anciennes alliances Egyptiennes ;
c’est-à-dire de continuer à faire alliance avec le péché brisant ainsi par
leurs actes ce qu’ils louent de leur bouche, car ils préfèrent conserver les
avantages qu'ils ont acquis de cette façon. Sinon, la colère de Dieu n'aurait jamais
lieu d'être.
« Comme un chien qui retourne à ce qu'il a
vomi, Ainsi est un insensé qui revient à sa folie,» nous dit le Psaume 26 :11. Revenir en Egypte pour un croyant
c’est retourner à une nourriture indigeste.
Cette
vision d’une Egypte ancienne, n’est donc pas tout à fait vraie ; Dans
le sens où ce n’est pas de l’histoire ancienne, qui n’a plus cours aujourd’hui.
Car cette Egypte est toujours de l’histoire récente, elle reste
toujours l’ennemi d’Israël et donc toujours l’ennemi de la foi. Dans la
réalité spirituelle, les mauvaises alliances, celles du passé ressurgissent par
moment et pour certains elles règnent à nouveau et rendent caduque l’alliance
en Christ.
Pourquoi reviennent-elles ?
1 Samuel 6 :6 nous le dit par cette interrogation :
« Pourquoi
endurciriez-vous votre coeur, comme les Egyptiens ?». L’endurcissement, cette
puissance du mal est la cause du retour à la folie, à cette folie des faux
dieux d’Egypte.
Alors concrètement que signifie pour un disciple de Christ ce
verset du livre du Lévitique ?
Lévitique 19 :36 :« Vous aurez des balances
justes, des poids justes, des épha justes et des hin justes. Je suis l'Eternel,
votre Dieu, qui vous ai fait sortir du pays d'Egypte ». Ce verset n’est pas seulement une règle
ancienne sur les poids et les mesures pour inciter les hébreux à agir avec
droiture et honnêteté. Ce verset incite le croyant du XXIème siècle à sortir de
l’Egypte d’un point de vue spirituel, en refusant d’exercer l’injustice. Mais
attention il ne s’agit pas simplement d’être intègre et honnête dans ses
engagements et ses responsabilités. C’est bien et louable d’être sincère dans
ses paroles et dans ses actes en s’occupant des pauvres. Mais l’intégrité
sociale va beaucoup plus loin. Pour deux frères qui ont le même besoin, avoir
une balance fausse serait d’agir avec le premier d’une certaine façon et avec
le deuxième frère agir d’une autre façon. Comme si l’un a plus d’importance que
l’autre.
Or, si on se réclame
enfant d’Israël, fils de la femme libre, on agit sans aucune différence.
D’une
manière générale il y a un comportement qui relève de l’Egypte du fils de la
femme esclave et un comportement qui relève de l’Israël de Dieu, de l’enfant de
la promesse, fils de la femme libre.
- L’EGYPTE TERRE MAUDITE DEVENUE LIEU DE REFUGE
Pourtant
l’Egypte n’a pas toujours vocation à être une terre hostile. A bien des moments
elle se présente comme une protection pour le croyant, un lieu de refuge, plus
que cela encore, un lieu de bénédiction. Dieu y envoie ses enfants pour les protéger comme pour les nourrir ou les secourir.
Dans
le livre de la Genèse, au chapitre 12, l’Egypte apparait en premier comme une
heureuse providence. Elle devient la nation qui sauve Abram. Il y descend avec
Sara pour y séjourner et surtout pour échapper à une terrible famine. Alors,
loin d’être une terre inhospitalière et réfractaire, le royaume du Nil se
montre au contraire, une terre accueillante, un sanctuaire (totalement à
l’opposé de la maison de servitude).
Quand
à Joseph père de Jésus, il décide sur l’ordre d’un ange de partir en Egypte
avec son fils et Marie pour échapper aux assauts meurtrier du roi Hérode.
Et
puis, qui ne connait pas le fabuleux destin de Joseph ? Exilé, vendu comme
esclave par ses frères jaloux, emprisonné à tort, libéré après l’interprétation
du songe de Pharaon, il épouse Asnath, la fille d’un grand prêtre égyptien avec
qui il aura deux fils : Manassé et Ephraïm, avant de devenir le gouverneur
de Pharaon puis d’être l’homme providentiel qui sauvera l’Egypte de la famine
mais aussi qui sauvera sa famille qui l’avait trahit. Qui aurait pu voir dans
l’Egypte une terre de bénédiction ?
Quoi comprendre alors avec ce revirement d’intérêt?
L’Egypte
il faut l’avouer est très ambivalente : Elle est une image forte de la servitude comme elle est aussi
l’instrument de la grâce de Dieu.
Elle passe de l’oppression
au refuge protecteur, d’une servitude forcée, à l’accueil d’étrangers. Elle
emprisonne mais exerce un secours.
Spirituellement,
c’est Dieu qui décide de nous renvoyer vers l’Egypte parce qu’il a un plan de
rachat pour elle aussi.
Esaïe
19 :24 : «En ce même temps, Israël sera, lui
troisième, Uni à l'Egypte et à l'Assyrie, Et ces pays seront l'objet d'une
bénédiction. 25L'Eternel des armées les bénira, en disant: Bénis soient l'Egypte, mon peuple, Et l'Assyrie, œuvre de
mes mains, Et Israël, mon héritage! »
Dieu
souhaite racheter nos corps de la même
façon que le peuple d’Egypte. Un corps
idolâtre, esclave de ses péchés, par un corps lavé et purifié de ses fautes et
se sacrifiant pour l’amour de son Dieu. Il ne nous demande pas de maudire notre corps, de le flageller ou de le meurtrir
volontairement. Il nous dit de le respecter et de l’aimer parce qu’il y enferme
son temple, alors qu’il n’a que des envies contraires à l’esprit.
1
corinthiens 6 :19 « Ne savez-vous pas que votre corps est le
temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, ».
Notre corps comme l’Egypte,
même s’il n’est pas saint sert à nous protéger, à protéger l’âme qui y vit. L’Egypte bénit
l’étranger comme notre corps source de tentations nous bénit par ses bienfaits
(par quelles manières ? la nourriture, la santé, la communion, les unions,
l’émerveillement des sens) verset 20 : « Car vous avez été rachetés à un
grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui
appartiennent à Dieu. ».Toutes les nations appartiennent à
Dieu et Dieu rachète à grand prix le peuple de ces nations. A la fin tout sera
réuni en Christ.
Notre corps est
une lumière, il nous aide à comprendre l’état de notre âme. Ce que nous vivons
dans notre corps révèle souvent ce qui se passe à l’intérieur de nous.
Pour Abram,
avant que son nom devienne Abraham, la terre du Nil a été un creuset et un
secours et ses yeux sur son âme, la possibilité de voir ses propres faiblesses.
En Égypte, il a pris conscience de ce qui se passait dans son cœur. Un croyant
qui comprend la relation que les pères de la foi ont eue avec l’Égypte comprend
aussi comment Dieu agit. Il découvre un Dieu qui aime et qui sauve, sans faire
de distinction entre les peuples. Ce croyant apprend alors à imiter son Père
céleste. Il aime et aide son prochain, quelle que soit sa religion, sa nation
ou son origine. Il est aussi attentif à la voix de l’Esprit. Il sait quand Dieu
lui demande de sortir d’« Égypte », lorsque celle-ci devient oppressive, et il
sait aussi quand Dieu lui demande d’y retourner pour y trouver refuge ou pour
servir. Ce croyant n’est pas dans la confusion. Il agit avec discernement,
parce qu’il vit dans l’obéissance à Dieu. Et cette obéissance lui donne une
vraie liberté en Christ, une liberté qui lui permet d’aimer et de sauver les
autres tout en étant secouru lui-même.
- MANASSE ET EPHRAIM DANS L’EGLISE
Maintenant,
l’Égypte a toujours un double visage. Elle peut être un lieu d’oppression et
d’esclavage, mais aussi un lieu de protection, d’accueil et de refuge. Cette
ambivalence nous aide à comprendre une autre réalité : celle de l’Église des
nations, qui porte en elle aussi les mêmes contradictions.
L’Église
peut être un endroit où l’on est rassuré,
protégé, nourri et accompagné, mais elle peut aussi devenir en même
temps un système qui enferme, qui oppresse et qui astreint à un travail forcé,
à un activisme religieux.
On
retrouve cette même réalité dans l’histoire des fils de Joseph. Manassé et
Éphraïm sont nés d’une mère égyptienne, mais ils ont reçu un héritage complet
en Israël. Ils appartiennent pleinement au peuple de Dieu, même s’ils portent
en eux une double culture : celle de leur père hébreu et celle de leur mère
égyptienne.
Cette
double origine montre les racines d’une dérive qui s’est produite et qui existe
encore aujourd’hui chez beaucoup de croyants. D’un côté, il y a l’appel de
Dieu, la vie conduite par le Saint-Esprit. De l’autre, il y a les traditions,
la convoitise et l’appât de la culture du monde dans lequel nous vivons. La foi
devient alors partagée, tiraillée entre deux influences.
Cette
confusion n’est pas nouvelle. Elle a traversé les siècles, aussi bien en Israël
que dans l’Église.
Beaucoup
de croyants pensent être « en terre promise » simplement parce qu’ils fréquentent
une Église. Ils y trouvent un cadre rassurant, des bénédictions, un refuge, une
protection — ce que l’on pourrait appeler le rempart d’Éphraïm.
- Pourquoi le rempart d’Ephraïm ?
le Psaume 108:8 dit :
« Éphraïm est le rempart de ma tête, et
Juda est mon sceptre. ».
Symboliquement, Éphraïm représente
l’institution : Éphraïm
signifie « fécondité ». La bénédiction, la croissance et la prospérité sont
visibles. Cette structure visible, organisée, protège le peuple de Dieu contre les
attaques extérieures. Comme l’Église institutionnelle, Éphraïm est un puissant rempart
: il garde les règles de la foi, transmet la tradition des hommes, et sert de
cadre solide pour que le peuple et la doctrine puissent subsister. Quant à Juda qui est la tribu royale, celle de David
et, plus tard, celle du Messie, le psaume dit : « Juda
est mon sceptre », c’est
l’image du pouvoir et de l’autorité promu par le Saint-Esprit.
Juda
symbolise la puissance spirituelle, l’autorité divine qui gouverne et
conduit le peuple. Alors une question demeure, dont on connait déjà la réponse :
Ephraïm et Juda marchent-ils ensemble d’un même pas ? Le sceptre est-il à
l’intérieur des remparts ? L’Eglise des nations a-t-elle reçu le sceptre
de Juda ? A-t-elle réellement laissé le Saint-Esprit gouverner les assemblées ?
Les pharaons des assemblées ont-ils laissé agir librement la puissance, la
transformation et l’autorité spirituelle qui vient du Saint-Esprit ?
Malheureusement la puissance
spirituelle s’est détachée de ses remparts. La tradition et la convoitise a
chassé le sceptre divin, la véritable puissance. Mais, l’union se
fera. Une part seulement d’Ephraïm sera rajouté au bois de Juda, nous dit le
livre d’Ezéchiel 37 :19
Les fils
de Joseph sont tombés comme l’Eglise institution dans la confusion. Confondant
leurs propres structures avec Dieu lui-même, servant l’Eglise au lieu de servir
Christ.
Ainsi,
comme l’Égypte peut être à la fois une bénédiction et un piège, l’Église peut
être un lieu de sécurité et de bénédictions en même temps qu’un carcan
religieux oppressant, si elle n’est pas conduite pleinement par l’Esprit.
Je
conclurai en affirmant que la position de l’Egypte, comme celle des fils de
Joseph et d’Asnath est un témoignage de plus
qu’il n’y a pas de peuple plus saint qu’un autre ou plus a même à être rejeté.
Le péché, comme la miséricorde entre par des portes différentes dans une même
maison. Tout n’est pas blanc ou noir et cela nous pousse encore et toujours à
plus d’humilité, de mesure, de compassion, et de pardon envers tous.
Amen


.jpg)
